Aventures, Historiques, Roman

Loup et les hommes

 

« Il avait appris avec les Indiens que les mots peuvent manquer de conviction, d’engagement, de sincérité, alors que le corps ne ment jamais ; le corps peut exprimer pleinement une pensée, une émotion, et la communiquer plus subtilement, avec la chaleur qui manque souvent au verbe. »

Emmanuelle Pirotte, Loup et les hommes, cherche midi éditeur, 2018, p. 411.

Motivations initiales

Parmi les livres de la rentrée littéraire du cherche midi, celui-ci m’a immédiatement tapé dans l’œil. Pourquoi ? Voilà peut-être la question la plus difficile, avec les livres. Pourquoi certains vous attirent immédiatement, et d’autres non. Ce qui ne préjuge d’ailleurs pas forcément de ce que l’on en pensera en le refermant… En tout cas, celui-ci m’a immédiatement donné envie, à la fois par l’époque, par le thème, mais aussi par son titre intrigant…

Synopsis

Armand, marquis de Canilhac, appartient à cette petite noblesse qui tire un peu le diable par la queue. Il vit dans un petit appartement parisien, ne peut entretenir qu’un valet, ne mange pas tous les jours à sa faim, ne peut pas toujours se chauffer… Mais cela ne l’empêche pas de fréquenter les salons parisiens, et notamment les réceptions de son amie, Mme de Grampin.

Mais il ne se plaint pas. Vingt ans plus tôt, il a failli tout perdre. La famille de Canilhac tout entière a alors été mise à l’index : l’origine de Loup, recueilli par ses parents, et présenté comme leur héritier a été révélée, et le roi, pour punition de cette tromperie, a fait détruire le château familial, condamné Loup aux galères. Le discrédit a touché tous les membres de la famille. Ce que personne ne sait, c’est que c’est Armand qui a dénoncé Loup.

Mais ce soir, chez Madame de Grampin, il croise une femme, Brune Archambault, jeune amérindienne. Ce n’est pas sa beauté qui attire son regard, mais le saphir qu’elle porte autour du cou : cette pierre appartenait à Loup.

Qui est-elle ? Connaît-elle Loup ? Celui-ci, que tout le monde croit mort – sa condamnation aux galères correspondait en général à une sentence de mort – est-il vivant ?

Armand, qui est tout sauf un aventurier, va alors s’embarquer pour les Amériques et l’Iroquoisie. Pour savoir, pour comprendre, pour vivre son destin.

Avis

> L’avis de T

Ce livre m’attirait, je l’ai dit. Et puis ? Je ne savais en réalité pas bien à quoi m’attendre. On est en 1663, sous le règne de Louis XIV, mais l’histoire fait des aller-retour avec le règne précédent, de Louis XIII, vingt ans plus tôt.

Très rapidement, on part avec Armand et Valère, son valet, sur un bateau, à destination de l’Iroquoisie. Là, ils rencontrent Antoinette, une jeune femme qui part pour une autre vie, comme « fille du roi », ces jeunes femmes qui partaient épouser des colons dans les colonies.

Une fois arrivés de l’autre côté de l’Atlantique – si vous êtes sensibles au mal de mer, attention, la traversée est décrite d’une telle façon que vous risquez d’avoir mal au cœur… -, Armand parvient à retrouver la trace de Brune, qui, de ce côté de l’océan, est plus connue sous son nom local, Naiekowa. Antoinette se marie. Tout est alors en place.

Le caractère épique de ce roman peut alors se révéler. Chacun des personnages va alors devoir s’avancer et affronter son destin. Tour à tour, on va découvrir l’histoire de chacun, toutes les brisures, les cassures, les souffrances surmontées mais pas forcément dépassées. Chacun va devoir se positionner, face à cette nature sauvage, parfois douce, parfois cruelle.

Mais de quoi est-il donc question ? D’amour, de vie, de violence, de trahison, mais aussi – surtout ? – de non-dits. Parce que, finalement, tous ces personnages ne se sont jamais parlé. Ils n’ont jamais su partager leurs espoirs, leurs sentiments, leurs ressentis. Et Emmanuelle Pirotte parvient à nous faire aimer tour à tour tous les protagonistes de cette histoire, alors qu’aucun n’a été irréprochable, chacun a eu, à un moment ou un autre, une attitude discutable. Mais ils sont tous humains. Profondément, radicalement, viscéralement humains. Et rien que cela, cela les rend attachants.

Et puis… l’auteure nous emporte vers ces Indiens et leur culture qui nous reste tellement étrangère. C’est peut-être l’élément le plus caricatural, mais la façon dont elle nous donne à comprendre que la façon dont les Indiens et les européens considèrent la torture, par exemple, est incroyablement différente. Elle insiste à un moment sur le fait que nous, européens, employons la torture pour briser, pour humilier, alors que chez les Indiens, elle est une façon de donner l’occasion à l’ennemi de prouver sa valeur. C’est très compliqué à exprimer, mais Emmanuelle Pirotte le fait par petites touches, et c’est absolument brillant !

J’ai déjà eu l’occasion de dire ici que, ce qui pour moi est l’essence de la littérature, c’est la quête. Quête d’un personnage qui, sans le savoir, sans être un super-héros, va devoir affronter le destin, son destin. Ce livre est en quelque sorte l’incarnation de cette idée. Armand, Antoinette, Valère, Naiekowa, Vieille Épée : chacun va devoir faire face, comme il peut, à ce qui fait d’eux des êtres humains, faillibles, mais capables aussi de rédemption…

Vous l’aurez compris, je vous recommande chaudement la lecture de ce livre… en espérant que, vous aussi, vous serez sensibles au souffle épique qui s’en dégage ! Et que, comme moi, vous vibrerez aux aventures de ces personnages !

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