Chronique de Cendres ardentes, de Marc Voltenauer.
« La mère – mais aussi l’environnement – est supposée fournir à l’enfant l’amour, l’affection, les valeurs, la socialisation, l’indépendance, tout en l’aidant à supporter la frustration. En résumé, elle doit lui apporter toutes les ressources dont il a besoin pour devenir un adulte qui peut fonctionner en société. L’image maternelle, tant vénérée, cache dans certains cas des côtés obscurs. Parfois on a une mère destructrice et contrôlante qui écrase et rejette son enfant et, à l’opposé, parfois une mère qui l’étouffe et l’empêche de se détacher d’elle. »
Marc Voltenauer, Cendres ardentes, Slatkine & Cie, 2023, p. 339.
Motivations initiales
Motivation ? Ici, c’est très simple, il y a certains auteurs, dès qu’ils sortent un livre, par définition, ils vont se retrouver à un moment ou un autre dans la PAL de Ô Grimoire. Et Marc Voltenaeur fait partie de ces auteurs. Donc, ces Cendres ardentes, cinquième enquête de l’inspecteur Andreas Auer, ne pouvaient pas nous échapper bien longtemps…
Synopsis
Une nageuse tombe nez-à-nez avec un sac poubelle flottant dans le Lac Léman. Furieuse que des personnes se permettent de salit ainsi le lac, elle le ramène au bord avant de le confier à un employé communal… qui le perce. C’est ainsi que l’équipe d’Andreas Auer se retrouve chargée d’enquêter sur un torse de femme, dont tous les membres et la tête ont été découpés. Difficile de l’identifier…
En parallèle, sœur Laura et Hubert, un sourd-muet, s’inquiètent de la disparition de leur ami, Sokol. Cet albanais est venu en Suisse parce que l’assassinat de son frère le laisse chef du clan Hoti, et qu’il veut à tout prix éviter que la vendetta qui couve avec le clan Hakani, sur fond de trafics – drogue, prostitution…
Le fin mot de ces deux histoires est-il quelque part en Suisse, ou dans les montagnes albanaises ? C’est ce qu’Andreas, avec des alliés de circonstances, va devoir découvrir…
Avis
Dans la chronique consacrée au précédent épisode de la série Auer, Les protégés de Sainte Kinga, j’avais évoqué l’idée que ce roman ressemblait à un tournant, après les trois premiers épisodes. Un tournant vers des intrigues moins familiales, convoquant plus largement des éléments historiques. Et cette nouvelle livraison semble bien confirmer ce virage.
Ici, après la Pologne où l’intrigue précédente puisait une partie de ses racines, c’est du côté de l’Albanie, de son histoire et de ses traditions que Marc Voltenauer est allé chercher. La première chose que je me suis dite, c’est que la Suisse doit accueillir un certain nombre d’albanais, et, par voie de conséquence, être confrontée à des problématiques judiciaires avec certains d’entre eux, puisque l’on retrouve la mafia albanaise chez plusieurs auteurs suisses, comme Nicolas Feuz, Joseph Incardona (auteur italo-suisse), et maintenant Marc Voltenauer !
Il faut dire que cette mafia, avec son hyper-violence, ouvre probablement des perspectives aux auteurs de polars…
Tout au long du livre, nous alternons donc entre l’enquête confiée à l’équipe d’Andreas Auer et le clan Hoti. Tous les chapitres « albanais » débutent par une citation tirée du Kanun de Lekë Dukagjini. Le Kanun est un recueil (en 12 volumes) de droit coutumier, datant du XVe siècle, est qui fixe toutes les règles de la vie quotidienne – hospitalité, famille, mariage, travail… Le régime dictatorial d’Enver Hoxha a tenté de faire disparaître ces coutumes, mais on l’a vu réapparaître après l’effondrement du régime. Il en existe diverses versions, c’est ici celle qui a été établie sous l’autorité de Lekë Dukgjini, noble et chef de guerre, qui est citée. Les clans albanais d’aujourd’hui, et notamment les clans mafieux, en retiennent essentiellement la gjakmarrje, dont les règles sont décrites dans le 8e livre du Kanun, et qui définit la façon dont un clan peut réagir lorsqu’un de ses membres a été tué par un membre d’un autre clan. On peut en retenir les règles d’une vendetta pure et dure, au nom de l’honneur, ou s’emparer de la possibilité et des règles du pardon. Saurez-vous deviner de quelle partie la mafia a choisi de se prévaloir ?
Dans une première partie – et, même si sur le moment le lecteur peut se poser quelques questions -, on suit le rythme de l’enquête. En effet, Andreas Auer et ses collègues n’ont pratiquement aucune piste, aucun fil à tirer. Pour ne pas nous donner l’impression de piétiner, Marc Voltenauer en profite pour nous faire découvrir la démarche même d’une enquête, jusqu’aux schémas de réflexion… c’est vraiment intéressant ! Cela pourra sembler lent à certains, mais c’est probablement ce qu’il y a de plus proche de la réalité d’une enquête. Y compris sur les différents insectes, et la façon dont les légistes et spécialistes peuvent en tirer des informations… évitez juste de lire ces passages pendant un repas… ce ne sont pas les moments les plus ragoutants !
Et puis, tout s’accélère. Et, là, cela devient haletant. Tout semble s’aligner d’un seul coup. Et les pages se mettent à tourner, sans s’arrêter – ben oui, une fois que vous êtes en apnée, vous avez intérêt à ce que ça ne dure pas trop longtemps non plus !
Alors… soyons vraiment exigeants. S’il y avait un – tout petit – reproche à faire à ce livre, c’est que Marc Voltenauer semble avoir hésité à être trop dur avec ses personnages. Peut-être n’a-t-on jamais eu une telle proportions d’acteurs « amateurs » dans un livre de Voltenauer. Et quels amateurs : une bonne sœur, un sourd… Et, bien qu’ils se confrontent, parfois avec un brin de naïveté, à la mafia albanaise dont la violence n’est pas une légende, tous s’en sortent indemnes… presque miraculeusement, serait-on tenté de dire.
Enfin, un dernier mot. Juste pour souhaiter que l’auteur garde toute la distance nécessaire avec son héros, et réciproquement. On sait que Marc Voltenauer et Andreas Auer partagent des points communs, cigares, whisky… Mais c’est bien assez !
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site leslibraires.fr.

A reblogué ceci sur Amicalement noir.
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