Histoire, Historiques

Une belle grève de femmes

Chronique de Une belle grève de femmes, de Anne Crignon.

« Dans la famille, c’est la femme qui portait la culotte. Dans presque toutes les familles. La femme avait plus de travail que l’homme. L’homme n’avait qu’à aller en mer. Et fini tout, dehors ! Les femmes devaient faire attention au porte-monnaie, attraper l’usine, attraper la maison, attraper les filets, attraper le lavoir. »

Anne Crignon, Une belle grève de femmes, Éditions Libertalia, 2023, p. 34.

Motivations initiales 

Ah mon petit pays bigouden, si beau et avec tant de traditions, qu’est-ce que je t’aime. Depuis mon plus jeune âge, mon terrain de jeu c’est le Finistère sud et la pointe du Raz, je connais ce petit pays comme ma poche. À la beauté de l’endroit s’ajoute l’histoire de ces ports de pêche qui aujourd’hui sont sur le déclin, alors forcément ce livre était pour moi !

Synopsis

Que l’on soit fille, sœur ou femme de marin, la vie n’est pas simple. Dès l’âge de dix ans, elles prennent la direction des grandes conserveries-usines qui bordent les villes de pêches, où elles travaillent – en fonction de l’âge, de la fonction… – de dix à dix-huit heures par jour. « Elles », se sont les femmes de fritures, celles qui, sans relâche, se tuent à la tâche et enrichissent le patron, alors qu’elles mêmes ne mangent pas tous les jours à leur faim. 

La grogne monte, les foules s’excitent et la grève est déclarée dans les conserveries – la première débute le 21 novembre 1924, raison pour laquelle cette chronique sort aujourd’hui, pour marquer ce centenaire. Les Penn Sardin vont entrer dans l’Histoire grâce à ce mouvement de protestation et elles ne lâcheront rien. 

Anne Crignon revisite ici cette grève qui, bien qu’elle ait paralysé le Finistère, est, encore aujourd’hui, largement méconnue du grand public. 

Avis 

Anne Crignon est journaliste et originaire de Concarneau, elle remet ici en lumière un moment fort de l’histoire des femmes, ignoré par un grand nombre d’entre nous. Sous forme d’enquête, à l’aide d’archives et également de témoignage,, elle retrace la vie de ces « femmes de fritures » et pointe du doigt le fait que, sans elles, rien ne tournait, que ce soit à l’usine ou à la maison. 

Parcourir les pages de ce livre, c’est se faire aspirer tout entier par la petite bourgade de Douarnenez. Quand on connait les lieux, inutile de vous dire que cette grève nous parle encore plus. Ici, bien qu’Anne Crignon ne soit pas historienne, on sent la véracité de l’histoire et la volonté d’offrir aux Penn Sardin la possibilité d’entrer dans les mémoires. Tout est juste, tout est relaté avec finesse et parfois même avec une touche de poésie. Il y a des passages qui vous font monter les larmes aux yeux et d’autres qui vous envahissent de colère. 

Les personnages sont tous croqués avec talent et fait que le lecteur en oublierait presque que l’on est dans un moment véritable de l’histoire. Rien n’est romancé, la chronologie est scrupuleusement respectée. Anne Cirgnon, on le sent, souhaite (re)donner voix à ces femmes, pour que leurs actes ne soient pas oubliés ou relégués loin derrière le folklore breton – ah la fameuse bataille du meilleur kouign amann ! 

Le cahier-photo présent dans l’ouvrage, les chansons de lutte des Penn Sardin, tout y est et donne une réelle existence au concept de « matriarcat maritime ». Je vous entends d’ici « encore un truc de féministe » eh bien non, il s’agit juste de remettre l’histoire des femmes en lumière et de montrer qu’elles ont bien souvent été actrices et pas uniquement spectatrices. 

Une lecture que je vous recommande plus que chaudement !

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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