Chronique de Virgile, de Zidrou et Lucy Mazel.
« – Il y a des écouteurs bluetooth et une télécommande. Ça t’évitera de te lever toutes les cinq minutes pour aller changer de station de radio. Feignasse comme tu l’es !
– Jeff, « tétraplégique », ça signifie que je n’ai plus l’usage de mes membres supérieurs non plus ! »
Zidrou et Lucy Mazel, Virgile, Éditions du Lombard, 2025, p. 33.
Motivations initiales
Dans le dernier paquet en provenance des Éditions du Lombard, cet album, Virgile. Avec Zidrou au scénario et Lucy Mazel aux dessins. Qui est Virgile ? Eh bien, c’est l’occasion de le découvrir !
Synopsis
Virgile est un ancien basketteur, qui a fait les belles heures du Royal Atomia Brussel. Solène, la femme de sa vie, l’a quitté en 2015, alors qu’ils défilaient dans une manifestation. On ne peut pas dire qu’il s’en soit réellement remis.
En 2017, parce que la vie peut toujours trouver à vous faire une vacherie au passage, il tombe d’une échelle alors qu’il tente de récupérer un chaton qui a eu la mauvaise idée de monter dans l’arbre dans son jardin. Et voilà Virgile cloué dans un lit. Tétraplégie !
Soulignant à quel point nous sommes peu habitués au handicap, ses proches accumulent les cadeaux inadaptés, pour qu’il puisse s’occuper à l’hôpital : livres, rubik’s cube, sudoku… mais il n’a plus l’usage de ses membres !
Quand il est seul, ses pensées prennent l’apparence de plusieurs « lui-même », qui viennent lui faire des reproches, de ne pas avoir mieux réussi dans son sport, de ne pas s’être suffisamment entraîné, d’avoir laissé partir Solène, parce que « la jeunesse d’un homme, c’est fait pour le tourmenter quand il est devenu vieux, pas vrai ? » (p. 45).
Alors, en 2022, après cinq années marquées essentiellement par les séances d’exercice avec un kiné et de bonne entente avec son infirmière, dont le parfum – Shalimar – devient l’incarnation de l’évasion, ou passées à contempler le plafond – sinistre – et le vol des mouches, Virgile prend une décision. Désormais, il sait que sa dernière wish-list (écrabouiller une mouche, de préférence celle qui tourne au plafond, faire une « bombe » à la piscine, apprendre à skier…) restera un vœu pieux. Alors direction la Belgique, pour en finir tranquillement, entouré des siens…
Avis
Paradoxalement, cet album est bourré d’humour. D’humour noir, essentiellement, avec l’ironie de Virgile qui jette un regard grinçant sur sa vie et sur sa condition.
Le plus extraordinaire, c’est qu’il n’est pas dévoré par la colère. Il n’y a que face à ses doubles qui viennent lui faire des reproches qu’il laisse éclater sa rage. Mais, avec tous ceux qui lui rendent visite, il fait preuve d’un détachement, d’une auto-dérision, particulièrement impressionnante.
Je pense, par exemple, au moment où Virgile dit à P’tit Louis (p. 47) – l’un de ses amis ex-basketteurs – :
« – C’est pas Jean d’Ormesson qui a dit qu’être jeune, c’est ne pas sentir son corps ? Je dois être vachement jeune, alors. Une vraie petite ado nubile ! »
Mais se préparer à partir, c’est aussi essayer de faire la paix avec ses proches. Et, dans son cas, celle avec qui il aimerait pouvoir aplanir les choses, c’est Solène. Parce que, au moment de leur séparation, il a fait quelque chose qu’il regrette encore. Il a brisé son violon. Et, si « Sa vie à lui a la forme d’un ballon. Sa vie à elle, celle d’un violon » (p. 95).
Cet album est à la fois drôle, grinçant, et puissamment émouvant. On se prend vite d’amour pour ces personnages…
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

