Chronique de Undertaker – T. 8 Le Monde selon Oz, de Ralph Meyer, Caroline Delabie & Xavier Dorison.
« Et Dieu dit au zélote : « Si tu veux jouer au con, tu trouveras toujours pire que toi… » »
Ralph Meyer, Caroline Delabie & Xavier Dorison, Undertaker – T. 8 Le Monde selon Oz, Dargaud, 2025, p. 6.
Motivations initiales
Est-ce vraiment utile d’indiquer mes motivations initiales… Voici dix ans – déjà – que cette série est entrée dans ma vie et que Jonas Crow est devenu une de mes idoles ! Alors forcément, ce huitième tome, je l’attendais comme un enfant qui attend ses cadeaux devant le sapin de Noël !
Synopsis
À Eaden, petite ville du Texas meurtrie par la guerre de Sécession, la fanatique Sister Oz s’impose comme gourou de la « Ligue de la Vertu ». Elle prêche l’ordre moral, le retour à la pureté… et prépare le procès d’Eleanor Winthorp, prêtresse de son droit de choisir : elle a décidé d’avorter. Entre intimidations, humiliations et violence, rien ne semble arrêter la machine d’oppression que Sister Oz orchestre avec zèle.
Mais quand la menace devient criminelle — le médecin Randolph Prairie risque sa vie pour avoir accepté de pratiquer l’opération — il faut quelqu’un pour s’opposer à cette terreur puritaine. Jonas Crow, l’Undertaker, rival amoureux d’Eleanor s’il en est, sort de son silence. Il prend fait et cause pour la liberté, bravant les codes, la loi, et les condamnations morales de tous ceux qui se dressent contre lui.
Dans ce monde selon Oz où la foi se fait loi, où la peur se mêle à la croyance, chaque personnage est contraint de choisir : se soumettre ou résister. Personne ne sortira indemne de cette tempête — entre amour, foi, sacrifice… et violence.
Avis
Si vous pensiez que le western ne pouvait plus surprendre, laissez Sister Oz vous prouver le contraire : ce tome est un coup de poing en pleine poitrine, à lire absolument.
Chaque nouveau tome d’Undertaker est attendu comme un rendez-vous incontournable, et Le Monde selon Oz ne fait pas exception. Dorison et Meyer signent ici un album d’une puissance narrative et visuelle impressionnante, en abordant de front des thématiques brûlantes qui résonnent bien au-delà du western.
Le cœur de l’intrigue repose sur Sister Oz, prédicatrice fanatique qui impose sa vision dévoyée de la vertu, quitte à réduire les femmes au silence et à condamner toute idée de liberté individuelle. Ce personnage est glaçant de conviction et de cruauté, et incarne parfaitement la manière dont la religion ou la morale peuvent être instrumentalisées pour contrôler et opprimer.
À travers le procès d’Eleanor et le rôle du docteur Prairie, les auteurs ouvrent une réflexion sur des sujets terriblement actuels : le droit des femmes à disposer de leur corps, la liberté de choix, la violence faite au nom d’une « pureté » imposée. Lire ce tome, c’est se confronter à une Amérique qui n’a pas disparu, et qui serait même en train de reprendre sa marche en avant — et c’est précisément ce qui le rend si percutant. D’autant que la problématique des outrances religieuses de tel ou tel groupe ne se cantonne pas aux États-Unis, évidemment…
Jonas Crow, fidèle à lui-même, se révèle une fois encore un héros ambivalent, partagé entre ses sentiments, son cynisme et son sens profond de la justice. Sa présence apporte ce mélange de noirceur et d’humanité qui fait toute la force de la série. Quant aux dessins de Ralph Meyer, ils atteignent une intensité rare : chaque planche respire la poussière, la sueur, la colère et la douleur. Les regards, les postures, les décors : tout concourt à donner une dimension presque cinématographique à l’album.
Ce tome 8 n’est pas qu’un western, il est aussi une charge politique et morale, menée avec subtilité mais sans concession. On en ressort secoué, admiratif, et avec la certitude que Undertaker s’impose, plus que jamais, comme l’une des grandes sagas de la bande dessinée contemporaine.
Un album qui allie la force du récit, l’intelligence du propos et la beauté du dessin. Magistral !
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