Aventures, Fantasy, Médiéval fantasy

Grish Mère

Chronique de Grish Mère, d’Isabelle Bauthian.

« C’était la première fois que Céleste, dont les soirées étaient faites de balades et de concerts improvisés dans les rues, participait au déballage d’alcools, de victuailles, et de drogues, et Sylve ne comprenait pas comment elle parvenait à dégager cette sophistication, malgré son attitude indigne d’une demoiselle de son rang. »

Isabelle Bauthian, Grish Mère, Éditions ActuSF, 2021, p. 138.

Motivations initiales

Eh bien… figurez-vous que je ne m’en souviens plus. A priori, ce livre a dû me faire de l’œil alors qu’il était sur une table de l’un de nos libraires habituels et, hop, il a rejoint ma PAL. Sans avoir remarqué – je ne l’ai compris qu’après ma lecture, en préparant cette chronique, j’en conclus que l’on peut dire qu’on peut lire les différents tomes sans avoir besoin des autres – qu’il s’agit de la « deuxième version » d’une série intitulée Les Rhéteurs, dont la « première version » (comprendre, semble-t-il, tome 1) s’intitule Anasterry, et la troisième, Montès. L’idée semble être de se balader dans le monde inventé par Isabelle Bauthian, Anasterry, Grish Mère et Montès étant les grandes villes (et royaumes ou duchés ou… subdivisions administratives) du monde. En revanche, j’avais noté que ce livre avec reçu le prix Elbakin, qu’il s’agissait d’un roman de fantasy et qu’il faisait moins de 500 pages, trois arguments suffisants pour que je l’embarque avec moi !

Synopsis

Sylve est un factotum, enfin, il l’était. Cela signifie qu’il a suivi une formation d’une grande exigence – certains élèves trouvent la mort au cours des études – consistant à se préparer à servir sans relâche et sans faille leur maître, l’un des grands du royaume. Il doit donc être à la fois guerrier, espion, homme de confiance, homme à tout faire, capable de repasser une chemise, d’éliminer un ennemi, de gérer un domaine et de servir le thé à l’exacte température… entre autres !

Sylve, donc, était factotum. Mais, en partie par sa faute, une relique a été dérobée à son maître. Le voilà donc obligé soit de fuir – mais échapper aux membres de l’école, dont la réputation ne saurait tolérer de le laisser se soustraire au châtiment, est illusoire -, soit de retrouver l’objet et d’espérer qu’on lui en sache gré – ce qui est relativement illusoire également.

Bref, Sylve se met en route, à la poursuite de celui qu’il sait avoir dérobé la relique, et pour qui il avait un faible, même s’il est impossible pour lui de se l’avouer. Mais, en chemin, s’il parvient à échapper aux sbires de son maître et à ceux de l’école qui le poursuivent, il tombe entre les griffes de la puissante Guilde des Épiciers.

Saura-t-il, alors qu’il est confronté à tout ce à quoi l’exigeante formation à laquelle il a été soumis ne l’a pas préparé, (re)trouver son chemin ?

Avis

Le talent d’Isabelle Bauthian tient autant au choix des thèmes qu’elle explore – la liberté et la contrainte, l’amour, l’oppression des femmes par les hommes et les alternatives… – qu’à la façon qu’elle a de les traiter.

Le personnage de Sylve est tellement bien trouvé, imaginé ! Confié – on serait tenté de dire « vendu » – par ses parents à l’école, en échange du prestige d’avoir un factotum dans la famille, il va subir cette formation en forme de lavage de cerveau jusqu’à maîtriser toutes les expertises qui sont celles des factotums, sous la coupe d’enseignants qui ont tous les droits, dont celui d’être injustes.

Cela a fait de lui une machine, efficace et implacable. Il sait, du doigt, définir la température d’une tasse à un degré près. Il est capable de défaire n’importe quel guerrier en combat singulier. Mais il n’a pas appris à vivre, il n’a pas appris à gérer ses sentiments : un factotum, en réalité, ne doit pas avoir de sentiments.

Dès lors, lorsqu’il se retrouve livré à lui-même, le voilà perdu. Certes, il s’est fixé une mission – et, ça, il sait le gérer -, mais pour tout le reste… Or la Guilde des Épiciers, entre les mains de qui il finit par échouer, blessé, fiévreux… quasiment à l’article de la mort, en réalité, le place face à des questions auxquelles il n’a pas été préparé. Et tout lui éclate à la figure.

Dans la ville de Grish Mère, le pouvoir n’appartient qu’aux femmes, alors que partout ailleurs dans le royaume, règne le patriarcat. L’homme que Sylve poursuit s’y est probablement réfugié. Mais cette traque va également devenir une quête bien plus existentielle pour Sylve : qui est-il, que veut-il, que cherche-t-il. Au passage, il va être amené à s’accepter – ou pas -, y compris lorsqu’il doit répondre à des questions comme « est-ce que j’aime les femmes ou les hommes ? ».

Ça fonctionne bien, c’est écrit gaillardement, avec une franchise, une gouaille et une liberté de ton rafraichissantes. Il m’est arrivé d’avoir du mal avec certains romans de fantasy récents, et de ne pas retrouver mes enthousiasmes des grands classiques du genre, mais, là… que du bonheur ! Alors si vous aussi vous avez envie d’accompagner Sylve sur son chemin, aiguisez votre arme préférée, prenez quelques vivres et en route…

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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