Chronique de Mission Damas, de David McCloskey.
« Ali ne savait pas pourquoi on avait arrêté ce garçon, mais il pouvait le deviner. Sa carte d’identité délivrée par l’administration d’État indiquait qu’il était né dans un village au nord de Homs, ville contrôlée à l’heure actuelle par un émir rebelle qui prétendait en faire son califat. Mêlez le tout avec de l’alcool ou un lieutenant trop agressif de la Garde républicaine, et vous vous retrouvez soudain dans les rouages du système carcéral. »
David McCloskey, Mission Damas, Éditions du Seuil – Verso, 2024, p. 68.
Motivations initiales
Quand un ancien analyste de la CIA, qui a travaillé dans plusieurs antennes de la Centrale au Moyen-Orient, décide d’écrire un roman, il s’inspire évidemment de ses expériences. Et comme il est également un spécialiste de la Russie, il est probable que le FSB ne soit pas très loin. L’ensemble donne un roman d’espionnage qui a été élu meilleur thriller de l’année par The Times. Alors quand la nouvelle équipe du label Verso, mis en place par les Éditions du Seuil pour publier le meilleur de la littérature de genre, nous a proposé de découvrir ce Mission Damas, c’est naturellement avec plaisir que nous avons dit Oui ! Merci donc, Verso !
Synopsis
Sam Joseph, un agent de la CIA, est envoyé en Syrie pour participer à l’exfiltration d’une source, nom de code Komodo, un scientifique appartenant à l’organisation chargée du programme d’armes chimiques syrien. Il doit assister Val Owens, l’officier traitant de Komodo, avec qui il a déjà eu l’occasion de travailler. Mais l’opération tourne court, le scientifique syrien n’arrive jamais à la planque et, au contraire, c’est Val Owens qui est arrêtée. Interrogée, torturée, elle meurt finalement alors qu’elle est sous la responsabilité de Rustum Hassan, un dignitaire du Palais syrien, malgré l’immunité diplomatique dont elle est censée bénéficier.
Presque au même moment, la visite à Paris d’une délégation d’officiels syriens donne l’occasion à la CIA de tenter de recruter Mariam Haddad, haute fonctionnaire travaillant au Palais, et membre d’une famille influente – son père et un de ses oncles sont tous deux de hauts gradés dans l’armée. Sauf que leur rencontre est l’occasion d’un véritable coup de foudre. Sam sait pourtant qu’il ne peut pas être l’officier traitant d’une source dont il est tombé amoureux… mais tout son entraînement ne lui sert à rien face à ses sentiments !
Voilà les deux amants à Damas, sous la menace permanente d’être découverts. Découverts par les syriens, ce qui les mettraient en danger de mort ; découverts par la CIA, ce qui vaudrait à Sam la fin de sa carrière, au minimum. Pourtant, Mariam est la meilleure chance de la CIA pour identifier le responsable de la mort de Val Owens, et la venger…
Avis
Ce qui est clair, c’est que ce livre a été écrit par quelqu’un qui a pratiqué. Je n’ai pas souvenir d »avoir lu un livre qui soit aussi précis sur les PDS – parcours de détection de surveillance -, un trajet effectué pour se donner une chance d’identifier si une équipe vous suit – cela je le savais -, mais qui peut durer des heures et des heures – et cela, je l’ignorais. Ce récit illustre également parfaitement le fait que, au-delà des clichés à la James Bond, la vie d’un espion est faite de plus d’attente, de moments répétitifs, de travail de l’ombre, que d’action pure.
L’histoire est tordue à souhait. Le risque est à tous les coins de rue. La mort est la sanction si vous n’avez pas appliqué les consignes de sécurité, mais aussi si les astres ne sont pas alignés et que vous jouez de malchance.
De Paris à Damas, du sud de la France à l’Italie, sur un rythme soutenu, le lecteur est embarqué dans une chasse à l’homme, entre complots, trahisons, dont le prix est la vie de milliers d’hommes et de femmes que le régime syrien voudrait gazer. Autant dire que le coût de l’échec serait immense !
Cette lecture devrait être obligatoire pour toutes celles et ceux qui, à longueur de réseaux sociaux, oublient que les mots ont un sens, et qui parlent à tort et à travers de dictature. On peut penser ce que l’on veut de la situation politique en France, on peut avoir tous les griefs du monde contre notre personnel politique, et les exprimer… mais il n’est pas inutile, par moment, de se confronter à ce qui se déroule véritablement dans une dictature.
Cette histoire est édifiante. Non seulement sur la situation au Moyen-Orient, mais, plus largement, sur ce qui se joue, à l’échelle internationale et sur les « champs de force » qui polarisent la politique internationale. C’est instructif, c’est même inquiétant.
Merci encore Verso, merci David McCloskey !
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site Place des libraires.

