Drame

Aux animaux la guerre

Chronique de Aux animaux la guerre, de Nicolas Mathieu.

« Depuis quelques temps, le boulot devenait vraiment compliqué. La crise justifiait tout. Préfets, juges, patrons, même les représentants du personnel, tous étaient d’accord : le travail était devenu une denrée trop rare pour qu’on fasse la fine bouche. »

Nicolas Mathieu, Aux animaux la guerre, Actes Sud, Babel noir, 2023, p. 31.

Motivations initiales

Nicolas Mathieu est un auteur dont nous entendons énormément parler. Mais vous commencez à me connaitre, je n’aime pas céder à la mode et j’attends que l’engouement se calme pour céder à la tentation. Bref, j’ai fini par découvrir l’auteur grâce à son sublime roman, Le Ciel ouvert. Cette lecture, qui ne laisse pas indifférent, m’a donné envie de découvrir une autre facette de l’auteur, celle où il endosse le costume d’auteur de polar.

Synopsis

Fermeture d’une usine dans les Vosges. Personne n’en parle, la presse s’en fout royalement et pourtant, des dizaines de personnes vont se retrouver au chômage. Sauf que ne plus avoir de boulot, pour certains, ça provoque une bouffée de violence, pour laisser s’exprimer la colère qu’ils ont au fond de leurs tripes. Des types désabusés et brutaux, désœuvrés, à qui vient un jour la – mauvaise – idée de kidnapper une fille sur les trottoirs de Strasbourg, pour la revendre à deux caïds…

Avis

Revenir aux sources, ça a toujours du bon paraît-il… Eh bien c’est ce que j’ai fait en lisant Aux animaux la guerre, le premier roman de Nicolas Mathieu.

Une phrase résume parfaitement cette lecture : « noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir ». Ici, on touche le fond, on côtoie la déchéance, le déclassement, l’ignorance et surtout la violence. Les personnages sont tous bien campés et ils ont tous quelque chose d’atypique qui fait qu’on ne les oublie pas – notamment Bruce, un jeune adepte des stéroïdes et de la musculation à outrance. J’aime quand les personnages sont très travaillés et qu’ils sentent le « vrai », vous savez, quelqu’un qui pourrait être votre voisin de palier, ou un collègue un peu discret, mais qui, dans le métro, s’avère capable de se transformer en frotteur ou de laisser s’exprimer ses pires mauvais instincts. Bravo Nicolas Mathieu, le job est fait à la perfection, si bien qu’on finit par en avoir la nausée. 

Que dire de cette sordide histoire ? Qu’elle a un relent de l’émission Strip-Tease, diffusée par France 3? Ici on sent la misère, matérielle mais aussi intellectuelle, les contrées reculées et le monde ouvrier qui se casse la gueule… Tout est là, on y est, on est inclus dans cette fermeture d’usine, avec ce patron qui frôle l’esclavagisme ou bien avec cette fille de joie qui s’échappe à moitié nue dans le forêt vosgienne. 

C’est l’histoire de Français dont tout le monde se fout, dans un coin paumé de la France, qui votent à gauche depuis des années mais qui ont glissé vers les extrêmes, qui vivent de petites combines, qui s’usent les mains et le dos à l’usine pour finir chaque mois dans le rouge, bref ça sent le vrai, ça sent la fracture sociale et on est obligés de sauter dans cette histoire à pieds joints. 

L’écriture de l’auteur est incisive, il ne nous ménage pas, nous enfonce sans pitié dans la barbarie… C’est glauque, c’est intense, c’est torturant, c’est touchant, bref c’est ce que l’on appelle une claque. Je n’ai qu’un seul regret : avoir attendu si longtemps avant de lire ce livre. Wahou, quel talent !

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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