Policiers

Tokyo détective

Chronique de Tokyo détective, de Jake Adelstein.

« Juste pour que ce soit clair, « à éviter » est un mot de code en diligence raisonnable qui signifie : « Ne touchez surtout pas à ce truc-là, bon Dieu. » On ne sait que très rarement si une entreprise est toute noire ou toute blanche. Et ce serait formidable si on pouvait toujours connaître les activités réelles d’une entreprise, mais ce n’est guère possible. »

Jake Adelstein, Tokyo détective, Éditions Points, 2024, p. 82.

Motivations initiales

Encore une lecture directement liée à notre participation au jury du Prix du mailleur polar des Éditions Points. Nous restons en Asie (après Amour, meurtre et pandémie), mais cette fois, c’est au Japon que nous partons, sous la plume de Jake Adelstein, journaliste d’investigation qui vit depuis plus de 30 ans dans ce pays. Nous n’avions pas lu son Tokyo Vice, qui a donné lieu à la série éponyme, il s’agissait donc pour nous d’une découverte !

Synopsis

S’agit-il réellement d’un livre dont on pourrait proposer un fil conducteur ? En réalité, pas vraiment, sauf si l’on considère que l’histoire qui nous est proposée ici est celle d’un homme, Jake Adelstein lui-même, qui, après avoir rencontré le succès comme journaliste et avoir fait tomber l’un des principaux dirigeants de la mafia japonaise, devient une sorte de détective privé spécialisé dans les affaires financières mais qui, par ses expériences, va surtout, au fur et à mesure, prendre conscience de ce qui compte réellement dans sa vie. Et cela l’amène à de nouvelles évolutions, jusqu’à devenir maître zen…

Avis

Ce récit est curieux. Et décousu. Il n’y a pas, comme on l’attend communément dans un roman, un début et une fin, et un cheminement que l’auteur aurait tracé pour nous.

Le livre commence alors que Jake Adelstein est devenu – notamment parce que la presse internationale y a fortement décliné à la fin des années 2010 – détective privé. Ou, plus exactement, spécialiste de la due diligence – diligence raisonnable, en français. Et qu’est-ce donc que cela, me demanderez-vous ? Et bien ce terme recouvre l’obligation légale qui peut être faite aux entreprises de mener à bien un certain nombre de vérifications avant de racheter ou de contractualiser avec une autre entreprise. Au Japon, il a ainsi été rendu obligatoire que les entreprises fassent ce qui est en leur pouvoir pour vérifier qu’une entreprise avec laquelle elles veulent traiter ne servent pas à blanchir l’argent de la mafia.

Ainsi, de spécialiste de la mafia, il est devenu spécialiste de l’argent de la mafia. Ce qui lui a valu quelques satisfactions – à commencer par celle de gagner sa vie -, mais également quelques désagréments – comme de se prendre des coups destinés à lui faire comprendre que l’on pouvait s’en prendre à lui et à ses proches.

L’auteur nous fait ainsi découvrir le « pachinko », un jeu d’argent disposant d’un réseau d’établissements (largement plus développé que les casinos, chez nous), et brassant des sommes bien plus considérables. Il nous apprend également que cette activité est devenue la chasse gardée de deux mafias coréennes, la mafia de Corée du Sud et celle de Corée du Nord, cette dernière finançant le régime de Pyongyang. Le livre s’attaque ensuite aux erreurs et aux responsabilités écrasantes de l’entreprise et de l’état dans la catastrophe de Fukushima, avant de nous donner à voir une partie de la machinerie derrière les Jeux Olympiques de Tokyo.

Mais aussi instructif et documenté que tout cela puisse être, on a surtout l’impression de passer du coq à l’âne, sans forcément qu’il y ait un fil conducteur. C’est très intéressant, évidemment, mais cela ressemble davantage à de petites vignettes dans un dossier de presse. Ajoutons – mais ce n’est qu’un détail – que, dans la partie consacrée au pachinko, des chiffres nous sont donnés… qui sont incompréhensibles, ou faux (on nous donne la somme moyenne annuelle consacrée par un joueur de pachinko, le nombre de joueurs, le nombre de salons de pachinko, pour arriver à une moyenne de bénéfice par salon… mais sans que les chiffres soient cohérents avec ce qui nous est donné – p. 112 pour ceux qui voudraient voir s’ils comprennent mieux que moi).

Bref. Lecture passée en position de spectateur… Le plus intéressant reste le parcours spirituel de Jake Adelstein, mais ce n’est pas ce que j’attendais.

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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