Essai, Témoignages

Le Vacataire

Chronique de Le Vacataire, de Thomas Porcher.

« J’avais beau les trouver antipathiques, prétentieux, déconnectés des réalités de la vie, ils restaient à mes yeux les gagnants et moi le raté. Ils m’avaient formaté, ils avaient gagné. »

Thomas Porcher, Le Vacataire, Éditions Stock, 2025, p. 145.

Motivations initiales 

Thomas Porcher a eu un passé de vacataire dans l’enseignement supérieur, ça me rappelle de mauvais souvenirs… Alors ni une ni deux, son livre a fini dans ma PAL. 

Synopsis 

Entre 2006 et 2011, Thomas Porcher a enchaîné les vacations dans plusieurs universités françaises. Enseignant sans statut, payé à l’heure, souvent rémunéré des mois après avoir donné ses cours, il a fait  partie de ces milliers de travailleurs invisibles qui font tourner l’enseignement supérieur sans bénéficier des droits élémentaires : pas de congés payés, pas de sécurité de l’emploi, pas d’assurance chômage. Aujourd’hui, cette situation concerne près des deux tiers des enseignants.

Dans ce récit, il  replonge dans une journée ordinaire de cette époque, entre galères administratives, instabilité financière et impact profond sur sa santé physique et mentale.
Au-delà du témoignage personnel, il interroge les politiques publiques qui, depuis des décennies, fragilisent délibérément les services publics et abandonnent ceux qui les font vivre.

Avis 

En se glissant à nouveau dans la peau du vacataire qu’il a été entre 2006 et 2011, l’auteur lève le voile sur une réalité que beaucoup préfèrent ignorer : l’exploitation silencieuse de milliers d’enseignants précaires, rouages invisibles mais indispensables de notre université publique.

Thomas Porcher raconte avec une sincérité brute ce que cela signifie vraiment d’être vacataire : être payé à la tâche, attendre parfois des mois pour percevoir un salaire misérable, travailler sans protection sociale, sans congés, sans droits. Il décrit aussi, avec une lucidité glaçante, les dégâts que cette précarité engendre : sur le corps, sur le moral, sur la vie privée.
Cette lecture a eu pour moi un écho particulier. Ayant moi-même connu ces galères, j’ai évidemment retrouvé un petit peu de moi dans chaque ligne, chaque colère muette, chaque désillusion qu’il partage.

Mais ce livre n’est pas seulement un témoignage personnel. C’est une dénonciation politique forte : depuis plus de trente ans, les choix budgétaires et les politiques d’austérité ont méthodiquement détricoté les services publics, et l’université en est l’un des champs de ruines les plus tragiques. Derrière les beaux discours sur l’éducation, on laisse volontairement des générations d’enseignants dans une insécurité insupportable, tout en prétendant que tout va bien.

La force de Thomas Porcher est de ne jamais tomber dans la plainte, mais d’ouvrir les yeux du lecteur avec une écriture précise, engagée, percutante. C’est un cri nécessaire. Un livre essentiel. Un miroir tendu à une société qui préfère détourner le regard.

Si vous pensez que l’université est un sanctuaire de savoir protégé, lisez ce livre. Si vous croyez que la précarité est un accident de parcours et non un système organisé, lisez ce livre. Si vous êtes passé par là, comme moi, vous y retrouverez une part de vous-même. Et peut-être, l’envie de ne plus jamais laisser faire.

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

Laisser un commentaire