Anticipation, Science-fiction

Défense d’extinction

Chronique de Défense d’extinction, de Ray Nayler.

« Ce qu’elle veut, c’est davantage de soutien pour sa guerre contre les contrebandiers du Kenya. Oui, la guerre. Elle emploie ce mot parce qu’elle pense qu’il pourra attirer l’attention des gens. Une guerre qui, comme toute guerre, n’existe que pour ceux à qui elle arrive, n’est propre qu’à un lieu et à un contexte. Partout ailleurs, on peut l’ignorer.

À Moscou, la vie continue comme si de rien n’était. Comme si des dizaines de milliers d’éléphants ne mourraient pas. »

Ray Nayler, Défense d’extinction, Le Bélial’, 2025, p. 28-29.

Motivations initiales

J’ai eu, je crois, déjà l’occasion de le dire : en ce moment, j’en ai marre des pavés. Plus de 400 pages, et je passe mon tour, ou alors il faut vraiment que j’ai une certitude (que ce soit, par exemple, un Guy Gavriel Kay). Mais, sinon, je cherche plutôt des livres plus courts. Alors, forcément, lorsque notre libraire m’a proposé de profiter de – l’excellente ! – initiative des éditions Le Bélial’, qui a lancé une collection consacrée aux novellas (de longues nouvelles, ou de courts romans), ce qui constitue une bonne occasion de découvrir des auteurs… eh bien je n’ai pas trop hésité. Et c’est ainsi que deux romans ont rejoint ma PAL, dont celui-ci…

Synopsis

Damira Khismatullina est éthologue, autrement dit, elle étudie le comportement des animaux. Et elle est, en fait, l’une des spécialistes incontestés des éléphants, engagée dans la lutte contre les braconniers qui les tuent pour alimenter le marché noir de l’ivoire. Mais les enjeux sont tels qu’elle est finalement assassinée, peu de temps après son ami le plus proche, et avant le président du Kenya, qui, lui non plus, n’avait pas cédé aux intimidations. Tout ce qui reste d’elle, outre ses travaux, ce sont ses souvenirs, stockés à peu près un an avant sa mort. Mais son implication n’a pas suffi, et, comme beaucoup d’autres espèces, les éléphants ont disparu de la surface de la Terre.

Au moins un siècle plus tard, les progrès de la science ont rendu possible la dés-extinction. Et le docteur Almas Aslanov a recréé des mammouths. Certes, il aurait été techniquement plus simple de recréer des éléphants, pour lesquels on disposait d’ADN. Mais leur milieu naturel n’existe plus. Alors qu’en Sibérie, il y a la possibilité de disposer de l’espace nécessaire pour des mammouths laineux.

Pourtant, la science ne semble pas suffire : Aslanov a bien réussi à faire naître des mammouths. Mais, privés de l’expérience qui se transmettait au sein du troupeau, et, notamment, par l’intermédiaire de la matriarche qui dirige le troupeau, ils ne survivent pas.

Le docteur Aslanov a alors une idée folle : faire se rejoindre l’expérience de Damira, morte un siècle plus tôt, et ces mammouths qui n’ont pas de vécu…

Avis

Voilà un livre qui n’est pas commun… Le postulat de départ est intéressant : en imaginant que l’un ou l’autre des projets véritablement en cours visant à recréer des mammouths – que ce soit par clonage, ou que ce soit en recomposant de l’ADN de mammouth et en l’introduisant dans un embryon d’un éléphant d’Asie -, ces animaux seraient-ils capables de survivre dans la nature ? Le postulat du livre – et on est évidemment très tentés de le suivre – c’est que la réponse est non : certes, des apprentis-sorciers pourraient assurer la part d’inné, mais sans l’apprentissage de l’acquit, quel être saurait vivre ?

L’idée, à partir de là, de mobiliser les connaissances d’une éthologue, spécialiste des pachydermes, mais morte un bon siècle plus tôt… eh bien, c’est fou, mais il y a une forme de logique… Je ne veux pas spoiler, donc je ne vais pas développer cette partie. Mais, en tout cas, cela constitue une trame narrative intéressante et qui fait réfléchir ! Ça, c’est pour le fond.

Par contre, je dois avouer que la forme, pour moi, n’a pas fait le job ! Autant – encore une fois, pour ne pas spoiler, je ne vais pas développer – le choix d’un récit intégrant de nombreux flash-back, sur la fin du livre, s’impose, autant le choix d’avoir procédé ainsi tout au long du livre fait que le cheminement du récit est assez compliqué à suivre. Les allers-retours incessants, dans le temps et dans l’espace, m’ont rapidement perdu.

Concrètement, le livre est, comme je l’indiquais, court, 150 pages. J’ai commencé réellement à accrocher au récit environ aux deux-tiers. Et ces 50 dernières pages, pour le coup, sont assez magistrales, ce qui rend encore plus dommage le fait que la mise en place de l’univers et de l’intrigue soit rendue aussi délicate par le choix de l’organisation du texte… Cette fin de texte, débarrassée de cette structure qui a bloqué ma lecture, est touchante, sensible, intelligente ; elle ouvre des pistes de réflexion tout à fait pertinentes.

Bref, c’est bien, mais avec une telle idée, cela aurait pu être sidérant de bout en bout… et pour moi cela ne l’a pas fait entièrement… Néanmoins, je n’ai aucun doute sur le fait que ce livre trouvera son public – il vient d’ailleurs d’obtenir le prix Hugo de la novella -, et si vous en faites partie, n’hésitez pas à venir l’indiquer en commentaire, pour m’apporter la contradiction, ou, simplement, dire ce que vous avez aimé !

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

1 réflexion au sujet de “Défense d’extinction”

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