Bandes dessinées, Psychologique

Sage

Chronique de Sage, de Quentin Zuttion.

« Et puis, mon coming out, elle l’a accepté. Il y a eu quelques larmes mais… rien de bien méchant.

Je lui ai dit quand j’avais vingt ans. J’avais peur de sa réaction parce qu’elle est très branchée religion.

D’ailleurs, j’avais pas vraiment prévu de lui dire ce jour-là. J’ai plutôt saisi une occasion. »

Quentin Zuttion, Sage, Éditions du Lombard, 2025, p. 55.

Motivations initiales

Cet album, qui sort aujourd’hui en librairie, nous a été envoyé par les Éditions du Lombard. Merci pour cette découverte !

Synopsis

Quentin (le personnage de l’album, pas l’auteur… mais n’y a-t-il pas quelques liens ?) est arrivé à Paris, après ses études d’art. Mais, progressivement, de rencontre d’un soir en déception sentimentale, il se renferme sur lui-même.

Il faut dire que, depuis longtemps, il se sent différent. Différent du modèle familial – son père et sa mère, avant de se séparer, ne semblent pas partager grand-chose -, différent des autres garçons – il lui faut du temps pour comprendre et accepter qu’il est gay.

Et puis des créatures commencent à le suivre, le cerner, dehors, d’abord, avant de finir par être capables d’entrer… La peur, insidieuse, l’anxiété, permanente, la culpabilité, chevillée au corps.

Avis

De prime abord, et pendant tout une partie de ma lecture, j’ai trouvé cet album plutôt déstabilisant. Les dessins sont souvent – volontairement, évidemment – flous, à la fois pour illustrer la peur mais aussi représenter les souvenirs (forcément imprécis). Certaines représentations ont nécessité de passer du temps sur telle ou telle planche, pour tenter de comprendre.

Mais, progressivement, on entre dans cette histoire autour de la question de la santé mentale, on s’attache à ce personnage qui traîne sa solitude et ses angoisses de son petit appartement à chez son psy, sur les sites de rencontres où il recherche une illusoire sécurité affective, dans les rues lorsqu’il parvient – assez rarement – à franchir le pas de sa porte. Le premier point qui permet de se raccrocher à cette histoire, même si l’on n’est pas concerné, c’est la réflexion qui la sous-tend, autour de la difficulté qu’il y a à se vivre en tant que gay, surtout dans une famille nourrie de religion et de certitudes. Au fur et  mesure, en effet, on retrouve de ces situations de l’enfance dans lesquelles on a pu se trouver et qui donnaient l’impression que les autres étaient à l’aise, et pas soi.

Je pense qu’une partie assez déstabilisante de cette histoire et du traitement qu’en fait l’auteur tient au fait qu’il s’adresse, probablement, à deux publics. D’abord, il parle à celles et ceux qui connaissent ces bouffées d’angoisse, de plus en plus présentes, de plus en plus fréquentes. Ceux-là doivent sans peine se retrouver dans ces dessins un peu vaporeux, souvent dans des teintes bleutées, nocturnes. En revanche, pour moi qui n’ai pas eu à affronter ce type de situation, le côté assez onirique des dessins maintient, un temps, le côté un petit peu irréel de ces angoisses. J’ai eu du mal à me projeter dans quelque chose que, dans un premier temps, j’ai pu percevoir comme des rêves.

Mais, progressivement, cette dimension onirique s’estompe, et ne demeure alors que la version trash. La panique qui paralyse, la peur qui tord les boyaux. La progression des séances chez le psy est, heureusement, très éclairante. Jusqu’à la phrase finale (p. 178), si belle :

« Je veux que les petits garçons sages retirent leur masque, cessent de se battre contre eux-mêmes…

… et s’autorisent à grandir ».

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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