Chronique de Terra Humanis, de Fabien Cerutti.
« Il paraissait important de s’adresser aux surdoués comme à des adultes (ou peu s’en faut), leur expliquer, argumenter, convaincre. Utiliser la bonne vieille autorité parentale était aussi utile que donner des claques à un arbre : « Je suis incapable de démontrer la logique de ce que j’exige, alors tu fais le truc débile que j’ordonne et tu ne la ramènes pas ! ». À égale distance entre l’aveu d’impuissance et l’expression de la pire injustice, un excellent moyen pour forger des caractériels asociaux ou des génies du mal. »
Fabien Cerutti, Terra Humanis, Éditions Mnémos, 2023, p. 68.
Motivations initiales
Il était tout simplement inimaginable que nous ne nous procurions pas le nouveau livre de l’auteur du Bâtard de Kosigan… Parfois, il n’est pas utile de chercher très loin la raison fondamentale pour laquelle un livre rejoint notre PAL : l’évidence suffit.
Synopsis
Il n’a échappé à aucun de nous que la réalité du réchauffement climatique n’est plus réellement une question, et que « l’imposture climatique » que certains croyaient déceler du haut de leur omniscience aveuglée s’est désormais retournée contre eux. Fabien Cerutti s’empare de ce sujet et de la trajectoire dystopique qui semble s’offrir à nous.
Rébecca Halphen est un génie. Et pas un génie de raccroc, à la petite semaine. Non, son QI – même si chacun est conscient que les tests de QI ne sont que des indicateurs – s’établit aux alentours de 250, quand Albert Einstein plafonnait à 160… Autant dire qu’elle sort de l’ordinaire… Sa mère décide de ne pas lui faire suivre les cursus « spécial surdoué » et de lui donner tout ce qu’elle a à lui offrir, ce qui semble fonctionner puisque Rébecca, à 17 ans, commence une thèse sur la théorie du chaos. Elle rencontre Luc, qui va devenir son mari, et tout un groupe d’étudiants brillants, logés à la Cité universitaire internationale de Paris.
Ensemble, sous l’impulsion de Rébecca, ils vont former un mouvement politique planétaire destiné à impulser une dynamique mondiale, initialement en matière climatique, mais pas uniquement. Mais où tout cela va-t-il les emmener ?
Avis
Bon, vous l’aurez probablement compris, ce livre ne ressemble à aucun autre. Il est extrêmement particulier… L’auteur signale d’ailleurs, au début du livre, que plusieurs de ses proches, lorsqu’il a évoqué avec eux son projet, lui ont souligné le côté « casse-gueule » du sujet, de l’ambition… Mais, après tout, si l’on en croit Sénèque, « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». Alors il fallait oser.
Maintenant, que penser du résultat ? Disons d’abord que cela se lit très bien. Nous parcourons un spectre temporel large, essentiellement de 2001 à 2112, avec une très rapide incursion en 1923. Mais cela fonctionne plutôt bien, pas de souci.
Non, ce qui est un petit peu délicat – et je me surprend moi-même à penser cela, moi qui ai tendance à trouver que certains auteurs devraient veiller à ramasser davantage leurs histoires qui ne méritent pas forcément les 500 à 600 pages qui semblent désormais être la norme -, c’est que les 275 pages de ce livre sont trop courtes pour que l’on puisse considérer comme crédibles les remarquables résultats obtenus et décrits. C’est trop. Je prends un seul exemple mais il y en a plusieurs. Fabien Cerutti évoque la résistance d’un président russe, qui parait se situer dans la droite ligne d’un Poutine – qui met le KGB sur la trace de Rébecca, pour faire avorter son beau projet. En 10 pages, c’est réglé et Rébecca, au prix d’un viol, certes, mais qui ne semble pas avoir réellement de conséquences par la suite, se sort du truc. Est-ce totalement crédible ? En tout cas, cela ne m’a pas semblé totalement convaincant. Or on peut naturellement imaginer que des résistances féroces au titre de projet qui est évoqué d’un mouvement mondial se feraient jour. Presque cela mériterait un livre rien que sur cet épisode.
En fait, autant les pistes de solution évoquées sont a priori effectivement le fruit d’un travail de recherche approfondi, autant l’impression est parfois que la partie purement géopolitique n’a pas vraiment intéressé l’auteur. Et, de ce point de vue, ma faim est restée insatisfaite. Là, j’ai par moment l’impression d’un survol, qui n’oublie pas de signaler les biais potentiels, ou les trahisons, ou les pressions, mais qui les signale pour mieux les écarter d’un revers de main.
Autrement dit, dans le dosage, j’ai eu l’impression que les évidentes difficultés de mise en œuvre sont volontairement gommée, niée.
C’est divertissant, mais je suis malgré tout un peu sur la réserve, vous l’aurez compris…
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

