Chronique de Hacke-moi si tu peux, de Florent Curtet.
« Le matin dans le métro en me rendant à l’école, je considérais mon visage à quelques centimètres dans le reflet de la vitre. C’était celui, fin, sérieux, d’un jeune semblable à n’importe quel étudiant de première année. De chaque côté, il suffisait que je relève les commissures de mes lèvres pour qu’aussitôt mon regard s’imprègne d’une lueur qu’on me disait sympathique. Avec cette gueule de minet, qui aurait pu croire que j’avais payé une visite aux enfers ? »
Florent Curtet, Hacke-moi si tu peux, le cherche midi, 2023, p. 138.
Motivations initiales
Le sujet des hackers m’intéresse. D’abord parce qu’il est d’actualité. Mais aussi parce qu’il est généralement très mal traité par ceux qui s’en emparent, notamment dans les médias mainstream, qui véhiculent l’idée que les hackers sont des escrocs, des malfaiteurs, ce qui constitue, certes, une partie de la vérité, mais une partie seulement. Alors à la sortie de ce livre, pas de doute, il devait prendre la direction de ma PAL.
Synopsis
Florent Curtet est sans doute le hacker le plus célèbre de France, d’abord parce qu’il a été l’un des premiers, également l’un des premiers à se faire attraper, et enfin parce qu’il a su, au démarrage de cette « activité », se hisser très haut dans les réseaux internationaux sans même être réellement conscient de ce qu’il faisait.
Mais il se fait arrêter, et la chute est aussi violente que l’ascension avait été vertigineuse. Emprisonné, puis placé sous un strict contrôle judiciaire qui limite sérieusement ses possibilités, il doit réapprendre la vie de tous les jours. Reprendre ses études. Se trouver de nouveaux débouchés… mais on n’efface pas si facilement que cela des années d’habitudes, fussent-elles mauvaises, et encore moins leurs traces dans l’esprit des autres.
Où tout cela mène-t-il ?
Avis
Il y a beaucoup de choses intéressantes dans ce livre. Mais il y a aussi un mais. Je vais essayer de prendre les choses dans l’ordre…
Ce livre est organisé en trois parties. Dans une première partie, on suit le parcours de Florent Curtet de ses 5 ans à ses 18 ans, ou « comment un passionné d’informatique, dont la vie sociale laisse un peu à désirer, peut tomber dans l’illégalité ». Il n’y a évidemment aucun doute : Florent Curtet, fils d’un geek très tôt équipé de matériel informatique, est tombé dedans sans volonté de mal faire. Sans volonté particulière, en réalité. Les petits pas de côté du début ont ouvert des portes et des possibles. Les petits pas de côté sont devenus des bêtises, les bêtises des moyens de se mettre en avant, les moyens de se mettre en avant des arnaques, les arnaques une véritable implication dans des réseaux internationaux.
Cette première partie, c’est donc le récit de comment, sans le voir venir, on peut se piéger tout seul. Mais c’est précisément cette première partie qui me pose question. Elle est certes racontée sans chercher à « romantiser » la situation. Mais on perçoit tout de même, de ci, de là, une trace de « eh, les gars, j’ai quand même fait ça ». Et l’on n’apprend pas grand chose sur ce qu’il faudrait faire pour éviter cela.
Dans une deuxième partie, on suit l’auteur depuis son arrestation jusqu’à sa réadaptation au monde normal, en passant par la prison et le procès. Cette partie-là est intéressante dans la manière dont elle illustre la difficulté qu’il peut y avoir à changer de voie, même si Florent Curtet semble avoir, d’une certaine façon, assez aisément réussi à « switcher », peut être grâce à des capacités de caméléon.
Enfin, dans la troisième partie, c’est la partie de white hat qui est décrite. Pour ceux qui l’ignoreraient, les hackers se divisent en trois groupes, black hats, les chapeaux noirs, sur le versant criminel du hack ; grey hats, qui peuvent avoir des activités éthiques par moments, et non éthiques à d’autres ; white hats, qui se positionnent plutôt du côté de la cyber-défense. Dans cette partie, Florent Curtet décrit la façon dont il est passé du côté lumineux de la force. Là, on voit ce qu’est cette façon d’aborder les choses, mais aussi les dangers que chacun de nous court sur le web.
Bref, trois parties assez inégales dans leur intérêt et même dans leur forme, ce qui me fait sortir de ce livre un peu dans un entre-deux. C’est bien, mais peut-être pas aussi bien que cela aurait pu être…
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

