Chronique de Clamser à Tataouine, de Raphaël Quenard.
« Aujourd’hui, spectateur d’une vie sans saveur, je finis par jouir de cette tristesse qui m’enlace, mes deux pieds écrasés sur l’arrête du bâtiment. »
Raphaël Quenard, Clamser à Tataouine, Flammarion, 2025, p. 28.
Motivations initiales
Raphaël Quenard est un des acteurs français que j’adore. Je trouve que ce garçon a tout d’un polymorphe, quoiqu’on lui demande de faire, il s’en sort brillamment. Lire son premier roman était donc inévitable !
Synopsis
Il a les crocs. Mais pas pour la vie. Pour la dynamiter. Survivant par erreur à une tentative de suicide, il décide que, si le monde a eu l’audace de le garder en vie, alors il va le faire payer — cher. Très cher.
Sa vengeance ? Un road-trip mental et sanglant, une expédition nihiliste contre une société qu’il méprise et des figures féminines qu’il juge complices de ses blessures. Un à un, les repères s’effondrent…
Avis
J’ai pris une claque. Une vraie. Pas celle qui laisse une marque sur la joue, mais une qui frappe le cerveau, les tripes, la langue. Parce que Clamser à Tataouine, ce n’est pas juste un roman : c’est une déclaration de guerre littéraire. Une odyssée de la haine joyeusement désespérée, où chaque phrase est un uppercut et chaque mot, une grenade dégoupillée.
On suit un jeune homme cabossé, cynique, au bord du gouffre, qui décide de claquer la porte du monde avec fracas. Mais comme la mort le boude, il riposte avec ce qu’il lui reste : sa verve, sa colère, son génie du langage. Car oui, c’est là que tout explose : le style. Un mélange improbable entre argot de caniveau et envolées lyriques, entre punchlines de voyou et poésie de philo terminale. Et tu sais quoi ? Ça fonctionne. Mieux : c’est brillant.
Raphaël Quenard joue avec la langue française comme un gosse joue avec de la dynamite : sans mode d’emploi, mais avec un instinct ravageur. Il frôle l’absurde, embrasse le grotesque, dérape volontairement dans le vulgaire, mais toujours avec un fond ultra-lucide. C’est drôle, c’est violent, c’est intelligent. Et c’est rare.
Le récit en lui-même tient presque de l’alibi : ce qui compte, c’est le rythme, le souffle, le crachat existentiel. Notre narrateur vomit ses traumas, son dégoût du monde, son besoin d’amour planqué sous des couches de mépris. Et sous la crasse, on devine une tendresse inavouée, une fêlure immense. Ce roman, c’est du Quenard pur jus : insolent, insoluble, incandescent.
Alors oui, ce livre divisera. Trop trash, trop bizarre, trop barré, diront certains. Mais pour moi, c’est justement pour ça qu’il faut le lire. Parce que c’est audacieux, inclassable, jubilatoire. Parce que ça bouscule. Parce que ça fait du bien de lire quelque chose qui n’essaie pas de plaire à tout prix.
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.


Probablement trop déjanté pour moi, mais ta chronique le défend vraiment bien !
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C’est vrai que c’est un brin dingo mais moi j’ai totalement adhéré !
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