Essai

L’Heure des prédateurs

Chronique de L’Heure des prédateurs, de Giuliano Da Empoli.

« Ce petit livre est le récit de ces faits, écrit du point de vue d’un scribe aztèque et à sa manière, par images, plutôt que par concepts, dans le but de saisir le souffle d’un monde, au moment où il sombre dans l’abîme, et l’emprise glacée d’un autre, qui prend sa place. »

Giuliano Da Empoli, L’Heure des prédateurs, Gallimard, Collection NRF, 2025, p. 23.

Motivations initiales 

À force d’en entendre parler, j’ai fini par craquer sans savoir si ça allait me plaire…

Synopsis 

Nous sommes entrés dans un monde qui ne ressemble plus à celui d’hier, où les repères politiques s’effacent, remplacés par des figures hybrides, dangereusement séduisantes : des dirigeants qui gouvernent comme des influenceurs, des milliardaires qui parlent comme des prophètes, des despotes 2.0 qui s’affichent sur TikTok tout en traquant leurs opposants.

Dans ce court texte percutant, Giuliano da Empoli trace le portrait d’un nouvel écosystème du pouvoir. Ici, les fauves sont en costard ou en hoodie, les armes sont numériques, et l’ordre mondial se déstructure au profit de ceux qui maîtrisent le chaos — ou savent le provoquer.

L’auteur ne se contente pas de commenter. Il observe, ausculte, nomme, avec un regard à la fois inquiet et acéré. De la Silicon Valley à Riyad, de la salle de conseil à la salle de torture, il connecte des points que l’on n’ose souvent pas relier.

Avis

L’Heure des prédateurs n’est pas un essai comme les autres : c’est une plongée dans la zone grise, un miroir tendu à nos démocraties fatiguées, un signal d’alerte face aux nouveaux visages du pouvoir — plus malins, plus brutaux, et souvent hors de contrôle.

En refermant ce texte dense et glaçant, j’ai eu cette sensation d’être minuscule. Comme si, derrière le rideau du monde visible, s’agitait une autre réalité : une jungle ultra moderne, silencieuse et implacable, où le pouvoir se joue entre quelques mains, loin des urnes, loin des citoyens, loin de nous.

Ce qui frappe chez Giuliano da Empoli, ce n’est pas seulement sa connaissance aiguë des coulisses géopolitiques, c’est sa manière de nous les restituer. Il ne cherche pas à expliquer ou à rassurer. Il montre, parfois avec ironie, souvent avec lucidité, comment une nouvelle génération de “prédateurs” impose sa loi : par la sidération, la violence symbolique, la technologie, le contrôle narratif.

Ces figures d’ombre ou de lumière – chefs d’État autoritaires, tycoons de la tech, stratèges de la peur – n’ont plus besoin d’idéologie. Ils ont le chaos. Et l’opinion publique, trop saturée, trop lasse, finit par s’y habituer.

Ce livre nous rappelle que nous sommes, à notre échelle, des grains de sable dans une machine qui ne demande pas notre avis pour tourner. Cela pourrait être paralysant, mais L’Heure des prédateurs a au moins le mérite de rendre ces logiques visibles, lisibles, presque palpables. Et c’est déjà un premier pas.

À lire absolument pour tous ceux qui veulent comprendre à quel point le pouvoir s’est transformé  et qui n’ont pas peur de se confronter à l’inconfort…

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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