« Le journalisme a une manière de poser les questions qui, le plus souvent, ne reflète pas les préoccupations qui ont été les nôtres. La réponse, en outre, ne compte pas. L’époque de l’image ne permet pas la nuance, puisque tout va extrêmement vite et finit par s’annuler ».
Fabrice Luchini, Comédie française, Éditions J’ai lu, 2017, p. 198.
Motivations initiales
Comment dire ? Fabrice Luchini, soit on l’adore, soit on le déteste, mais la seule chose impossible, c’est d’être indifférent…
Synopsis
Le Figaro évoque un autoportrait littéraire. On pourrait aussi – plutôt ? – parler d’un retour sélectif sur quelques moments. Forcément subjectif, forcément parcellaire, forcément luchinien…
Avis
> L’avis de C
Fabrice Luchini est l’un des personnages publics et médiatiques qui partage l’opinion, c’est à double tranchant, soit on aime, soit on déteste… Bref, avec lui pas de juste milieu !
Moi, il me fascine, me touche, m’émeut et m’impressionne. Je suis sans aucun doute incollable sur sa filmographie et sur ses spectacles au théâtre – d’ailleurs juste pour vous partager un peu plus que mon avis sur ce livre, pour comprendre à quel point ce personnage est intelligent, pointilleux et travailleur sur YouTube, il y a une vidéo » Luchini exercice de style » à voir, sincèrement – … Mais ne nous égarons pas, stop à mon apologie luchinienne et revenons au livre.
Comédie française n’est pas ce que l’on peut appeler à proprement parler un auto-portrait. Luchini, avec sa diction parfaite, sa plume particulière, ses excès en tous genres ne se livre pas complétement dans son ouvrage – ce n’est pas une biographie révélation digne d’un partenariat avec le magazine Closer ! Oui, il casse le mythe, le mythe du type à l’aise en toute circonstance, décomplexé et capable du pire… On sent ici un Luchini sensible, apeuré par la vie, calme et pas un agité du bocal comme bien souvent sur un plateau télé. Mais on ne lit pas Comédie française pour découvrir entièrement le personnage, il garde cette magie de ne pas se dévoiler totalement, de ne pas se mettre à nu devant ses lecteurs, il nous livre certes des bribes de son passé – petits boulots, premiers émois sexuels, souvenirs familiaux… – mais garde la main sur ses souvenirs, son passé et sa vie présente.
Il écrit comme il parle, on l’entend en lisant… On retrouve La Fontaine, Molière, Céline, évidemment, mais aussi Proust, Rimbaud, Stendhal, Nietzsche… ses habitués… Pour les amoureux de la littérature française, on peut se surprendre à laisser échapper quelques larmes… Si comme moi vous avez un côté célinien, lire Luchini alors qu’il décortique des phrases de Céline ça ne peut que vous émouvoir…
Bref, il y a quelques passages succulents et comme il le déclare si bien au micro d’Europe 1, « je n’avais pas envie de passer pour un intello », ce livre est accessible même s’il est ponctué de nombreux extraits littéraires.
J’ai aimé, je pense que je relirai ce petit roman, mais… je rejoins T sur le fond si vous êtes un inconditionnel de l’auteur, lisez ce livre, sinon, ne perdez pas de temps !
> L’avis de T
Alors, que dire de ce livre ? C’est très paradoxal, en fait.
Le personnage, déjà. Je l’ai découvert dans La lectrice, sorti en 1990 (je ne sais plus dire si c’était dès la sortie ou plus tard). Comme beaucoup, et comme il le rappelle dans le livre, son « Tu as vu cette fille ? Elle est immonde » me l’a rendu sympathique. Et puis… d’un film à un autre, d’une intervention (télé ou radio) à une autre, son personnage finit par m’agacer. Trop show-off, trop pédant, trop, quoi…
Et, en même temps, il reste parfois touchant, parce que l’on sent bien, de ci, de là, qu’il n’est aussi expansif que pour masquer ce qu’il ne veut pas livrer…
Dans ce livre, c’est pareil. On passe, évidemment, du coq à l’âne (et je ne dis pas cela uniquement parce qu’il évoque La Fontaine et ses fables), de Nietzsche à Bébert, de Paros à Barbès… Certains passages ne m’ont évidemment pas plus intéressé que cela, soit. Mais d’autres possèdent cette magie qui fait que je ne peux jamais vouer Luchini aux gémonies sans état d’âme.
Là où je suis, moi, davantage dans l’ambiguïté, c’est sur le passage (important) sur la mission de l’acteur. En effet, une large part de ce livre est consacrée au rôle de l’acteur, et Fabrice Luchini explique – on se croirait à l’excellent Inside the Actor’s Studio de James Lipton, pour ceux qui ne connaitraient pas, reportez-vous d’urgence à Youtube si le métier d’acteur vous intéresse ! – qu’il faut éviter de surjouer, et, au contraire, rester neutre, pour porter le texte. Rester neutre ? Fabrice Luchini qui resterait neutre ?
Et à côté de ces passages très intéressants, des digressions, sur les lampadaires, les tapis dans les escaliers des immeubles bourgeois… De la même façon, faisant pendant à 10 pages d’un décryptage extrêmement creusé de Rimbaud, presque 8 pages de citation pure et simple d’un poème de Philippe Muray, pratiquement sans aucune explication. À quoi bon ?
Vous l’aurez compris, je ne sais pas exactement quoi penser. Pour les fans, pas de doute, il faut lire ce livre – qui a tout de même reçu le prix de la Coupole en 2016. Mais pour tous les autres, on peut probablement s’en dispenser…