Chronique de La Mort du torero, d’Ed Lacy.
« À l’étranger, tous les chauffeurs de taxi ressemblent à des pilotes de course frustrés, mais ce prodige édenté conduisait comme si son tacot était le seul dans les rues. Quand je le priai, le souffle coupé, de ralentir, il crut que je lui demandai d’accélérer. Je la fermai et contemplai les montagnes qui surplombent la vallée que forme Mexico, essayant de conjurer ma peur. »
Ed Lacy, La Mort du torero, Éditions du Canoë, 2024, p. 58.
Motivations initiales
J’ai repéré ce livre dans la liste des ouvrages proposés à l’occasion de la dernière Masse critique de Babelio, consacrée aux « mauvais genres » (il me semble). Je l’ai donc, le moment venu, coché dans la liste, parmi quelques autres. Et le hasard a fait les choses !
Synopsis
Signalons d’abord que ce livre est paru, aux États-Unis, en 1964. Ed Lacy est un pseudonyme, le vrai nom de l’auteur étant Leonard Zinberg, pacifiste et visiblement sensible aux questions sociales – pas toujours en vogue aux États-Unis. Il fait partie des premiers à avoir campé dans ses romans des personnages principaux noirs, comme Toussaint Marcus Moore, qui mène l’enquête dans La Mort du torero.
Toussaint Marcus Moore, donc, notre héros, est postier. Il a eu l’ccasion de résoudre une précédente enquête, comme détective privé, mais a préféré renoncé à la carrière qui lui semble à la fois dangereuse et, surtout, devoir le confronter à une part de l’humanité qu’il préfère ignorer. Mais sa femme tombe enceinte ; son emploi de postier de suffira pas à assurer tous les frais… le voilà contraint de replonger. Son ancien patron, devenu – grâce à lui – le propriétaire d’une agence de détectives reconnue, lui propose une mission au Mexique. Censée être simple et tranquille.
Arrivé sur place, Toussaint découvre qu’il s’agit de résoudre une énigme : un journaliste a été assassiné – il a été mordu par un serpent mortel -. La femme du mort est convaincue que l’instigateur est El Indio, un torero mexicain, véritable star, sur lequel son mari enquêtait.
Entre serpents venimeux, population locale pauvre, intrigue et hasards, Toussaint devra déjouer bien des dangers pour dénouer les fils !
Avis
Ce livre s’inscrit, pour moi, dans la veine de ces écrivains à la fibre sociale des années 50 à 70 aux États-Unis, parmi lesquels je place, peut-être à tort, George Chesbro, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler ici, et dont je continue à recommander chaudement la lecture !
L’intrigue, classique, est bien ficelée. C’est efficace, ça fonctionne bien. Ce n’est pas révolutionnaire, mais c’est solide, carré.
Mais ce qui fait véritablement l’intérêt de ce livre, de cet auteur, de cette histoire, ce sont précisément les à-côtés de l’enquête. La réflexion, à peine dissimulée, sur la parentalité, le sens qu’il y aurait – ou pas – à projeter un enfant dans un monde comme le nôtre. Toussaint, en effet, est plus angoissé qu’autre chose à l’idée de devenir père.
Naturellement, avec un personnage principal qui, depuis qu’il est petit, est confronté au racisme, à la mise à l’écart, aux privilèges des blancs, le sujet n’aurait pas pu être écarté. Même si, au Mexique, la question ne se pose pas exactement dans les mêmes termes. Mais – et c’est aussi un point intéressant à souligner – elle se pose tout de même.
Il s’agit ici, même si l’auteur a toujours affirmé ne pas vouloir faire de série, de la deuxième enquête de Toussaint Marcus Moore, qui avait déjà été le personnage central d’un précédent livre de l’auteur. Ici, nous sommes invités à découvrir deux univers décrits assez minutieusement : celui de la tauromachie au Mexique – on oublie, voire on ignore souvent que c’est un grand pays de corrida -, et celui de l’herpétologie.
C’est agréable à lire, c’est intelligent, c’est malin. Franchement, que demander de plus ? Alors, prêts à vous laisser embarquer vers le Mexique ? Juste, n’oubliez pas de vous munir d’un antidote aux venins les plus puissants, on ne sait jamais…
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

