Chronique de Rebis, d’Irène Marchesini et Carlotta Dicataldo.
« Ils voyaient le mal en elle, comme dans tant d’autres femmes. Il leur suffit de si peu. Une fille sans mari, une vieille qui soigne ses douleurs grâce aux plantes… parfois juste une enfant éveillée et perspicace… toutes ces femmes que j’ai toujours considérées comme mes semblables, mes amies, mes sœurs. »
Irène Marchesini et Carlotta Dicataldo, Rebis, Éditions du Lombard, 2024, p. 113.
Motivations initiales
Un envoi du Lombard, une préimpression (la parution était prévue pour janvier de cette année). Et puis nous ne l’avons pas lu immédiatement. En partie parce que cet album graphique fait tout de même presque 180 pages. Mais il était temps de le sortir de la PAL… C’est chose faite !
Synopsis
Martino est un petit garçon. Comme tant d’autres. Sauf qu’il a eu le malheur de naître au Moyen Âge et d’être albinos. Alors, évidemment… le prêtre du village lui interdit de simplement passer devant « son église » – oh, tolérance ! -, et les habitants lui attribuent tout ce qui ne va pas, une mauvaise récolte, une bête malade, une attaque du poulailler par un renard, le gel, l’excès de pluie… À les écouter, ses pouvoirs – de nuisance – sont immenses. Alors que sa principale préoccupation, en réalité, c’est de se promener dans la forêt, de s’émerveiller de la nature, de sauver des larves d’insectes…
Naturellement, les – charmants – enfants du village en profitent : leur souffre-douleur est tout trouvé. Évidemment, pour couronner le tout, il se sent bien plus proche des petites filles que des garçons. Jusqu’au jour où son père, cédant à la pression sociale, et passant outre aux suppliques de sa mère, décide de l’envoyer chez un oncle. Alors Martino s’enfuit dans la forêt et s’invite chez Viviana, qu’il a rencontré par hasard lors d’une de ses errances. Mais qui est Viviana ?
Avis
« Une fable résolument moderne sur l’acceptation de soi », nous dit-on en quatrième de couv’. Et, en effet, voilà qui résume bien – une partie de – cette histoire. En effet, Martino a lui-même intégré une partie des injonctions de la communauté, et il n’est pas sûr d’avoir le droit de vivre, de ne pas être réellement la cause de tous les problèmes. Il va lui falloir avancer sur le chemin de sa propre acceptation pour s’accorder le droit d’exister.
Rien que ce message-là vaut naturellement le coup de lire ce joli album.
Mais il ne nous dit pas que cela. Il nous rappelle aussi qu’il est plus facile d’exclure, de refuser la différence. C’est rassurant ! C’est injuste, c’est se mentir à soi même, mais c’est tellement aisé. Alors Martino paye le fait d’être tellement différent.
Mais, précisément, c’est cette différence qui lui permet de rencontrer Viviana. Les différences peuvent se reconnaître. Elle, elle a choisi de vivre seule, au milieu de la forêt, parce qu’elle fait partie de ces femmes qui, pour une raison ou une autre, parce qu’elle rejette certaines obligations sociales, est rejetée dans la communauté des « sorcières ». Et que les gens bien-pensant adorerait avoir l’occasion de mettre au bûcher.
Malheureusement, tout ce que l’on voit et entend ces derniers temps, tout ce que véhiculent les réseaux sociaux, nous montre que, dans ce domaine, nos sociétés n’ont pas progressé. Nous sommes toujours au Moyen Âge de la tolérance. Et la différence continue à provoquer la haine, qui est tellement plus facile à ressentir et à déverser que l’acceptation…
Certain(e)s de vous l’aurez peut-être noté, nulle part dans cette chronique il n’est question de ce que veux dire Rebis, de ce à quoi cela fait référence. C’est naturellement fait exprès… et je vous laisse découvrir pourquoi !
Hymne à la tolérance, en même temps que récit de ces enfances qui sont soumises à la brutalité du rejet, Rebis est une jolie lecture. Alors, si vous aussi vous avez envie de parcourir les chemins secrets de la forêt, aux côtés de Martino et de Viviana, vous connaissez désormais le chemin. Et peut-être, vous aussi, aurez la joie de voir une larve se transformer en un bel insecte…
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

