Policiers, Roman noir

Amour, meurtre et pandémie

Chronique de Amour, meurtre et pandémie, de Qiu Xiaolong.

« C’était un poème composé au tout début de la crise du Covid, et il en avait pris connaissance lors d’une enquête précédente – dans ses derniers jours en tant qu’inspecteur principal de la police de Shangai, peu avant d’intégrer son nouveau poste et que Jin devienne sa secrétaire. »

Qiu Xiaolong, Amour, meurtre et pandémie, Éditions Points, 2024, p. 41.

Motivations initiales

Nouvelle lecture dans le cadre du jury du Prix du Meilleur Polar des lecteurs de Points 2024-2025. Direction, cette fois-ci, la Chine, alors que les rues de Shangai sont désertées, en application de la politique Zéro Covid du gouvernement !

Synopsis

L’inspecteur Chen, ancien inspecteur principal de la police de Shangai, a été écarté, mis de côté, en un mot placardisé. Il est désormais, malgré sa réputation qui le précède, directeur honoraire du Bureau de la réforme du système judiciaire… probablement parce qu’être un esprit libre, capable de prise de position inattendues, est considéré par le pouvoir chinois comme un défaut plutôt que comme une qualité. Le seul avantage de cette nouvelle fonction, c’est que lui a été attribuée comme secrétaire Jin, avec qui il semble avoir eu une aventure…

Chen poursuit d’ailleurs des activités qui, effectivement, pourraient lui valoir de sérieux ennuis, puisqu’il se met en tête de faire passer hors de Chine, pour qu’ils soient publiés, des témoignages de ce que la politique Zéro Covid provoque réellement comme injustices et comme pertes de chance pour de nombreux individus, et notamment à Wuhan, où il a un ami poète.

C’est pourtant à ce policier séditieux que le parti s’adresse lorsque plusieurs meurtres sont commis à proximité de l’hôpital de Shangai. Mais son « mandat » est limité : trouver rapidement le coupable, pour éviter que les foules ne s’inquiètent. Tous les moyens sont mis à sa disposition… mais ceci permet en même temps de le surveiller.

Avis

La lecture de ce roman policier est, en soi, un moment paradoxal. Parce que, d’un côté, il décrit avec tellement de précision la politique de contrôle du gouvernement chinois que cela en donne des frissons – tout en aidant à relativiser les exagérations de nos compatriotes qui, se laissant emporter par des excès de langage ridicules, nous disent que nous serions en dictature… certes, il faut de la vigilance, mais nous sommes encore loin de ce qu’impose à ses citoyens le régime de Pékin -. Ce côté-là du roman est tout à fait instructif, et, disons-le, à la fois glaçant et passionnant.

D’un autre côté, je retrouve ici l’impression que m’avaient fait mes premières lectures « asiatiques », Mishima, Kawabata, Ryunosuke (oui, j’ai lu davantage d’auteurs japonais que chinois)… La sensation d’un décalage culturel et, surtout, temporel. J’ai l’impression de lire un roman policier des années 70. L’histoire est bien ficelée, mais c’est mou. Non, j’exagère, ce n’est pas mou, mais ça manque de nervosité, d’énergie. C’est une sensation assez difficile à décrire, mais cela donne la sensation du renoncement, de la résignation. Et j’imagine que cela tient à la fois à la dimension culturelle et à l’habitude du peuple chinois de passer d’un dictateur à un autre, qui, à chaque fois, impose à cet immense peuple sa propre vision. Qui définit ce que chacun doit penser. Qui fixe le cadre auquel chacun doit se tenir.

L’inspecteur Chen, qui se réfugie dans la poésie, tout en essayant de faire, à sa mesure et avec ses moyens, ce qu’il peut pour ne pas juste baisser les bras, et autour de qui nous voyons graviter quelques personnes comme lui, n’a aucune chance de renverser la table. Mais il persiste à résister, à sa façon. Mais on sent la fragilité de cette rébellion souterraine. Et la façon que ce régime a de broyer toute tentation individuelle, toute énergie qui risquerait de secouer la société. C’est un machinisme inexorable que nous décrit l’auteur.

Je parlais d’un moment paradoxal, parce que l’on voudrait aimer ce livre qui dénonce une approche aussi éloignée de nos aspirations à la liberté. Mais en même temps je ne peux pas nier avoir du mal avec la forme…

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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