Drame, Historiques

Rares ceux qui échappèrent à la guerre

Chronique de Rares ceux qui échappèrent à la guerre, de Frédéric Paulin.

« Je vois, je vois. Mais peut-être que les Libanais n’auraient pas fait la guerre si des étrangers ne l’avaient pas voulue, qu’en pensez-vous ? Les Palestiniens ont déstabilisé le pays, puis les Syriens, les Iraniens maintenant. Vous, les Français et tous les Occidentaux, vous vous êtes trouvé un champ de bataille loin de chez vous pour continuer à affronter l’URSS et ses alliés. C’est pratique, non ? »

Frédéric Paulin, Rares ceux qui échappèrent à la guerre, Agullo Éditions, 2025, p. 72.

Motivations initiales

Nous n’en faisons pas mystère : chez Ô Grimoire, nous aimons Frédéric Paulin, que nous avions découvert à Quais du Polar, en 2019, où il présentait La Guerre est une ruse. Depuis, nous le suivons, et, après avoir dévoré les aventures de Tedj Benlazar, nous suivons désormais les événements historiques qui servent de toile de fond à Philippe Kellermann, Michel Nada, le commandant Dixneuf, Sandra Gagliago, Nicolas Caillaux… que nous avons découverts dans Nul ennemi comme un frère.

Nous ne pouvions rater la sortie de ce livre, qui est à partir d’aujourd’hui en librairie. Merci, d’ailleurs, aux éditions Agullo, de nous avoir permis de la découvrir en SP !

Synopsis

Le livre s’ouvre sur l’attentat du Drakkar, à Beyrouth, qui, le 23 octobre 1983, a ôté la vie à 58 parachutistes français. Et s’achève avec un autre attentat, celui de la rue de Rennes, le 17 septembre 1986. Le décor est posé : c’est une histoire de guerre, de violence et de sang que, comme à son habitude, Frédéric Paulin nous raconte. Et qui illustre, une fois encore, ce que l’auteur notait comme dédicace de La Guerre est une ruse, « car souvent l’Histoire est un mensonge sur lequel historiens et généraux s’entendent ».

Entre ces deux attentats, c’est tout le récit de ce Liban dévasté par la guerre, enjeu des convoitises de ses voisins, terrain d’affrontement – comme le souligne la citation en entrée de cette chronique – d’un Occident qui parait encore uni mais dont les premières failles apparaissent, lorsqu’il s’agit de jouer sa carte personnelle.

Et, comme en écho à cette grande Histoire, les histoires plus personnelles de nos personnages. On se bat pour un pays, ou pour une femme. Les États s’autorisent à contourner les règles qu’ils ont eux-mêmes établis, alors que les hommes font taire leur conscience pour un poste… La politique locale se règle à coups de poings ; la politique internationale en négociant de retarder la libération des otages français au Liban pour emporter les législatives.

Car oui, nous retrouvons ici les otages français au Liban, dont les noms ouvraient les journaux télévisés d’Antenne 2 tous les soirs à partir du 29 mars 1986 : « Les otages français détenus au Liban, Marcel Carton, Marcel Fontaine, Michel Seurat, Jean-Paul Kauffmann et l’équipe d’Antenne 2, Philippe Rochot, Georges Hansen, Jean-Louis Normandin, Aurel Cornéa, n’ont toujours pas été libérés ».

Et, naturellement, nous retrouvons également les intrigues politiques de la fin du premier mandat de François Mitterrand, la cohabitation avec Jacques Chirac, l’affaire du Rainbow Warrior et les attentats d’Action Directe.

Avis

Retracer la guerre au Liban dans toute sa complexité, les enjeux internationaux dont elle était le symptôme, en même temps que la politique française et les relations complexes entre « les services », voilà bien une entreprise qui relève de la gageure. Mais, après la mise en place de ce contexte éminemment foisonnant dans le premier tome de la série, Frédéric Paulin semble avoir trouvé son rythme. Ce livre se dévore, grâce à la façon extrêmement habile dont l’auteur mêle la grande histoire et les destins individuels. Je le disais précédemment, les péripéties quotidiennes des personnages sont à la fois de l’ordre de la vie quotidienne, mais elles sont également comme un effet miroir des grands événements dont elles sont l’écho.

Ainsi, le couple formé par Nicolas Caillaux – commissaire aux RG – et Sandra Gagliago – juge d’instruction spécialisée dans les affaires terroristes – se retrouve non seulement confronté aux attentats qui secouent la France, mais aussi, plus prosaïquement, à la question de savoir qui reste à la maison s’occuper des enfants lorsque, une attaque s’étant produite, ils sont attendus tous les deux sur les lieux. De la même façon, quand le commandant Dixneuf est débarqué de son poste à Beyrouth parce que Philippe Kellermann, furieux qu’il se soit attaqué à Zia al-Faqîh, intrigue à l’Élysée pour qu’il soit évincé : là aussi, il y a interférences entre le privé et le professionnel.

Histoire de guerre, de violence et de sang, disais-je, mais vue à hauteur d’hommes et de femmes qui mettent leur énergie, leurs convictions et parfois leur vie dans la balance. Une fois encore, Frédéric Paulin parvient à faire que ces événements que les plus de 45 ans ont forcément « dans l’oreille » deviennent plus que des événements lointains dont on ne comprend pas les enjeux.

Il faut lire ce livre, il faut lire cette série, qui permet non seulement de mieux comprendre ce qui se passait alors mais également ce qui se passe aujourd’hui, alors que le Liban, une fois encore, est le terrain d’affrontement de forces qui le dépassent. En août prochain, nous attendrons donc le troisième tome, dont le nom est, une fois encore, à la fois tellement explicite et tellement poétique, Que s’obscurcissent le soleil et la lumière.

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

1 réflexion au sujet de “Rares ceux qui échappèrent à la guerre”

Laisser un commentaire