Espionnage, Roman noir

La guerre est une ruse

Chronique de La guerre est une ruse, de Frédéric Paulin.

« Elle est en colère contre Tedj et contre les français. Peut-être parce qu’elle leur doit la possibilité de reprendre son souffle à la terrasse d’un café. Elle leur doit cette chance, mais elle ne leur a rien demandé et ne veut rien leur devoir. »

Frédéric Paulin, La guerre est une ruse, Agullo Éditions, 2018, p. 323.

Motivations initiales

D’abord, il y a les couvertures de Agullo : je les trouve assez irrésistibles. Ensuite, lorsque vous déambulez dans les allées à Quais du polar, vous avez parfois un auteur qui vous donne envie de vous arrêter – regard, posture, parfois juste un sourire, qui peut être juste une crispation de lassitude, allez savoir ! -. Et puis, une fois que l’échange s’établit, il ou elle vous donne envie – ou pas – de découvrir ses livres. C’est ce qui s’est passé avec Frédéric Paulin et La guerre est une ruse. Et quelques heures plus tard, vous apprenez qu’il s’est vu remettre le Prix des lecteurs…

Synopsis

On peut imaginer que tous les français de plus de 35 ans se souviennent de la vague d’attentats de 1995, de la bombe dans le RER B qui a explosé à Saint-Michel, et du tristement célèbre Khaled Kelkal…

Ce livre revient sur les événements qui, en Algérie, à partir de 1992, ont amené, entre autres, à ces attentats.

En 1992, un groupe de généraux algériens prend le pouvoir, en réaction à la montée en puissance du Front islamique du salut (FIS). La tension – et la violence – monte, l’état d’urgence est instauré. Les agents de la DGSE en poste en Algérie, le commandant Rémy de Bellevue et le lieutenant Tedj Benlazar en tête, sont aux premières loges. Ils voient la situation se dégrader sous leurs yeux. Tedj, en particulier, soupçonne rapidement le service algérien de renseignement militaire, le DRS, d’avoir partie liée avec les islamistes. Mais encore faut-il des preuves pour convaincre les autorités françaises…

Dans cette ambiance pesante, Tedj croise la belle Gh’zala. Et, dans sa vie privée aussi, c’est le chaos…

Avis

> L’avis de T

Dès les premières pages, on est au jus : un agent français rencontre discrètement l’un de ses « honorables correspondants ». Enfin, discrètement… le commandant algérien a soudain l’impression d’être surveillé. Et, dans les jours qui suivent, les deux hommes disparaissent dans des accidents bien pratiques…

Et dès lors, tout s’enchaîne. Rémy de Bellevue se retrouve rapidement obligé de rentrer à Paris, privant le bureau en Algérie de son immense expérience du terrain et de ses réseaux. Tedj, après avoir dû retourner à Paris, après avoir mis un en danger de ses informateurs, revient à Alger. Et la situation continue à se dégrader.

Ce qui est impressionnant, dans ce livre, c’est à la fois la description assez « clinique » de la situation, des intrigues des services, de la concurrence entre les agents – on ne peut pas dire que la bienveillance soit vraiment de mise ! -, associée à une atmosphère très étouffante, autant du fait du climat que de l’angoisse de la population.

Ce qui est très malin, également, c’est la façon qu’a Frédéric Paulin de mêler la grande Histoire – les événements en Algérie, la montée du FIS et ses conséquences, la politique en France et son influence en Afrique… – avec l’histoire individuelle de ses acteurs. Ici, le roman nous fait partager la vie de Rémy de Bellevue, et celle de Tedz Benlazar, en particulier. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce sont de sacrés personnages !

On suit également de nombreux autres personnages, des agents algériens, des agents français, de simples citoyens de chaque côté de la Méditerranée, broyés par un système…

Il y a un seul point, dans la construction, auquel je n’ai pas totalement adhéré. Par moments, alors que la narration passe d’un personnage à un autre, on se retrouve avec des retours en arrière dont on ne voit pas forcément la nécessité. Mais cela reste un épi-phénomène, même si, à au moins deux reprises, j’ai relu quelques pages déjà passées pour vérifier qu’il n’y avait pas confusion.

Une vraie histoire de barbouzes, sérieux, informé, et qui nous renvoie à des événements que – pour les plus de 35 ans, encore – nous n’avions probablement pas compris pour ce qu’ils étaient…

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