Roman

La guerre par d’autres moyens

Chronique de La guerre par d’autres moyens, Karine Tuil.

« Lehman regretta aussitôt ces mots : affirmer « je suis heureux » n’était qu’une façon d’avouer qu’on était prêt à se tirer d’une balle dans la tête »

Karine Tuil, La guerre par d’autres moyens, Gallimard, 2025, p. 69.

Motivations initiales 

J’ai tellement vu ce livre passer et des avis extrêmement tranchés – soit c’est un coup de coeur, soit c’est un foirage total – qu’il fallait que je me fasse une idée ! 

Synopsis 

Il a été président. Il a été aimé, craint, critiqué. Aujourd’hui, Dan Lehman n’est plus qu’un homme seul, un ancien, un nom qui dérange.

Un an après avoir quitté le sommet de l’État, il erre entre alcool, silences et souvenirs d’une gloire passée. Son mariage avec Hilda, actrice magnétique et insaisissable, se délite dans les non-dits. Les scandales rôdent. Et la justice, autrefois tenue à distance, frappe à sa porte…

Avis

Certains romans nous accrochent dès les premières pages et ne nous quittent plus. Pas parce qu’ils nous caressent dans le sens du poil, mais parce qu’ils nous dérangent, nous bousculent, nous obligent à regarder là où ça fait mal. La guerre par d’autres moyens fait exactement ça. Et pour moi, ça a été un véritable coup de cœur.

Il y a des livres qui divisent. Celui-ci en fait partie. Et peut-être est-ce justement parce qu’il ose, qu’il dérange, qu’il va là où d’autres se censurent, qu’il mérite d’être lu. Karine Tuil n’écrit pas pour plaire, elle écrit pour dire. Et dans ce roman, elle dit beaucoup.

On suit Dan Lehman, ancien président de la République, figure abîmée d’un pouvoir passé. Un an après avoir quitté l’Élysée, il est seul, déchu, mis à mal par l’opinion, la justice, ses proches. Son mariage avec Hilda, actrice solaire mais insaisissable, se désagrège. Autour de lui, les regards changent, les soutiens se volatilisent, la grandeur n’est plus qu’un souvenir mal éclairé.

Mais ce roman n’est pas qu’un portrait d’un ancien chef d’État. Il est surtout le récit d’une chute, d’un homme confronté à sa propre vacuité. Que reste-t-il quand on n’est plus aux commandes ? Quand le pouvoir ne vous protège plus, que la lumière s’éteint et que les fantômes refont surface ?

Ce que j’ai profondément aimé chez Karine Tuil, c’est sa façon d’écrire au scalpel. Chaque phrase est tendue, précise, sans gras. Il y a une urgence, presque une nervosité dans son style, qui colle parfaitement à ce personnage sur le fil, à cette atmosphère pesante et lucide. On ne lit pas Tuil pour se détendre. On la lit pour être secoué.

Avec La guerre par d’autres moyens, Karine Tuil aborde des thèmes puissants : la chute, le pouvoir, la responsabilité, le rapport à la vérité. Elle explore les conséquences d’un système politique et médiatique qui broie ses héros déchus. Elle met en lumière la fragilité des apparences, la solitude de ceux qu’on a placés sur un piédestal — et qu’on prend plaisir à regarder tomber.

C’est un roman intelligent, audacieux, exigeant. Et oui, il ne plaira pas à tout le monde. Certains le jugeront trop sombre, trop critique, trop centré sur un homme de pouvoir. Mais c’est justement cette prise de risque qui, à mes yeux, en fait un grand roman.

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

2 réflexions au sujet de “La guerre par d’autres moyens”

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