Chronique de Ces lignes qui tracent mon corps, de Mansoureh Kamari.
« J’avais peur d’être tuée comme mes cousines, Houri et Fati, exécutées par le régime alors qu’elles n’avaient que 15 et 16 ans. »
Mansoureh Kamari, Ces lignes qui tracent mon corps, Éditions Casterman, 2025, p. 71.
Motivations initiales
Cet album a croisé ma route grâce à un prix – chut, je ne peux rien dire pour le moment – dont, ô bonheur, j’ai eu la chance de pouvoir intégrer le jury. Je dois admettre que, sans cette opportunité, je n’aurais probablement pas repéré cette bande dessinée !
Synopsis
Dans cet album bouleversant, Mansoureh Kamari retrace son enfance et son adolescence en Iran, sous le poids des lois islamiques et d’une société patriarcale dans laquelle les femmes n’ont pas le droit de disposer de leur propre corps.
L’autrice décrit un quotidien fait d’interdits : ne pas rire, ne pas danser, ne pas aimer librement. Être constamment surveillée, menacée, réduite au silence. Elle raconte aussi la peur omniprésente — celle d’être mariée trop jeune, violée, exécutée, effacée. À travers des fragments de mémoire, elle révèle les blessures, visibles ou invisibles, infligées à des générations de femmes.
Mais au-delà de la douleur, c’est aussi une histoire de renaissance. Mansoureh Kamari a fui son pays, trouvé la force de se reconstruire, et transformé cette souffrance en art. Ces lignes qui tracent mon corps devient alors le récit d’une libération — celle d’une femme qui reprend possession de son corps, de sa parole, et de sa vie.
Avis
Quelle finesse, quelle force. Cet album est incroyablement émouvant, à la fois par la puissance du témoignage et par la beauté du trait. Le dessin, d’une précision remarquable, capte chaque émotion avec justesse. Les visages, expressifs et fragiles, traduisent à eux seuls la douleur, la honte, la peur, mais aussi la détermination.
Le choix d’une palette restreinte fonctionne à merveille : peu de couleurs, mais chacune d’elles frappe juste, comme un écho visuel à la sobriété du propos. Le contraste entre la délicatesse graphique et la violence du récit crée une tension bouleversante.
Ce récit autobiographique est d’une rare intensité. Il ne dénonce pas seulement la condition des femmes en Iran, mais, plus largement l’oppression systémique subie par tant d’entre elles dans le monde. Ces lignes qui tracent mon corps est une œuvre de mémoire et de résistance, un cri qui traverse les frontières et qui s’inscrit dans le mouvement Femme, Vie, Liberté.
Mansoureh Kamari signe ici un premier album aussi intime que nécessaire. Une lecture éprouvante mais essentielle, portée par une sincérité désarmante et une immense humanité.
Une bande dessinée poignante, à la fois témoignage, œuvre d’art et acte de résistance.
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

