Chronique de Le Château des soupirs – T.2 La Baronne de minuit, d’Isabelle Duquesnoy.
« En réalité, le chaos ne grondait pas partout en France. On festoyait beaucoup à chaque massacre, mais l’Assemblée nationale parvenait à améliorer le quotidien du peuple, autant que je pouvais en juger. »
Isabelle Duquesnoy, Le Château des soupirs – T.2 La Baronne de minuit, Éditions du Seuil – Verso, 2025, p. 341.
Motivations initiales
Lire Isabelle Duquesnoy, c’est accepter de basculer dans un univers où l’Histoire devient un terrain de jeu déraisonnable, drôle, parfois macabre, toujours jubilatoire. Depuis le premier tome du Château des soupirs, j’éprouve une véritable fascination pour cette autrice qui manie l’excentricité comme d’autres écrivent des traités, avec un mélange de précision, de fantaisie et de liberté totale. Elle a ce grain de folie tendre qui rappelle Jean Teulé, mais avec une touche plus intime, plus charnelle, presque plus audacieuse encore.
J’attendais ce deuxième tome avec impatience, espérant retrouver cette voix impertinente et délicieusement déjantée… et j’en ai eu pour mon argent : j’ai tourné les pages le sourire aux lèvres, grâce ) cette pépite littéraire où l’humour et l’émotion s’imbriquent à merveille.
Synopsis
Nous sommes en 1789. Liselotte de Beaupré, cœur meurtri, doit abandonner Narong, son amant venu du Siam, tandis que son domaine brûle déjà sous les menaces de la Révolution. Sans ressources, traquée, elle n’a d’autre choix que de fuir, comme tant d’aristocrates déracinés, vers l’Angleterre. Mais son exil n’a rien d’élégant : combines indignes, humiliations répétées, survie arrachée au prix de compromis de plus en plus douloureux.
Lorsqu’elle échoue enfin à Londres, la baronne déchue devient la proie parfaite pour les employeurs cupides d’une capitale prêts à tout exploiter. Jusqu’au jour où un Lord naturaliste au service de George III l’engage pour éduquer une fillette mystérieuse, belle et fragile, condamnée à ne vivre qu’à la nuit tombée.
Dans ce manoir étrange où les animaux empaillés semblent guetter le moindre mouvement, Liselotte découvre un refuge inattendu. Pourtant, rien ne parvient à combler le vide laissé par Narong ni l’appel viscéral de sa terre natale. Rêvera-t-elle en vain de retourner en France ? Pourra-t-elle reconquérir sa liberté, son domaine, sa vie de femme ?
Dans ce deuxième tome, l’aventure se fait intime, romanesque, et toujours aussi délicieusement insolente.
Avis
Ce roman est un enchantement. Isabelle Duquesnoy poursuit ici son exploration du destin extravagant de Liselotte avec une maestria qui mêle l’humour, l’histoire et l’humanité la plus vibrante. Sa plume a cette vivacité rare qui fait rire tout en serrant le cœur, qui transforme les situations les plus improbables en or narratif.
La réussite de ce tome réside dans son équilibre : un récit picaresque assumé, une héroïne irrésistible dans ses contradictions, et une peinture sociale d’une finesse étonnante. L’exil, la débrouille, les petites humiliations du quotidien, tout cela aurait pu être tragique ; ici, tout devient savoureux, ciselé, irrésistiblement vivant.
Le manoir anglais, peuplé d’ombres et de créatures figées, offre un décor hypnotisant, presque gothique, où l’on alterne le rire, la tendresse et un léger frisson. Liselotte, quant à elle, gagne encore en profondeur. Derrière sa fantaisie, elle révèle une force, une volonté, un besoin vital de reprendre possession de sa vie et de son désir.
La Baronne de minuit est un deuxième tome à la hauteur du premier : audacieux, drôle, libre, profondément romanesque. Une lecture qui apporte ce que la littérature offre de meilleur : du plaisir, de l’insolence, et cette petite étincelle d’émotion qui ne s’éteint pas.
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

