True crime

Le Pire des crimes

Chronique de Le Pire des crimes, de Michèle Pedinielli.

Cette fois encore, il s’agit d’une manipulation de Mannechez qui ne laisse Virginie parler à sa sœur que pour s’assurer que le témoignage de cette dernière reste inchangé, qu’elle tiendra la ligne qu’ils ont fixé avec leurs avocats. Écœurée, Betty promet mais s’en va, ne supportant plus la duplicité. Elle maintient un fil distendu avec Virginie avant l’ouverture du procès. »

Michèle Pedinielli, Le Pire des crimes, La Manufacture des livres, 2025, pp. 86-87.

Motivations initiales 

Les affaires criminelles françaises constituent mon point faible, ce terrain où s’entremêlent psychologie, société et justice. Dès qu’un auteur s’attaque à un fait divers marquant, mon intérêt est immédiatement en éveil. Alors lorsque Michèle Pedinielli revisite l’affaire Mannechez, l’une des plus déroutantes de ces dernières années, impossible pour moi de résister. J’avais besoin de comprendre, de revisiter ce dossier dont les ramifications dépassent la simple horreur.

Synopsis 

Le 7 octobre 2014, dans une maison ordinaire, Denis Mannechez tue Virginie Mannechez de deux balles avant de retourner l’arme contre lui dans une tentative de suicide. Leur fils Quentin assiste au drame. Très vite, l’affaire dépasse la qualification de féminicide. Virginie n’est pas seulement la femme de Denis : elle est aussi sa fille.

À travers ce fait divers, Michèle Pedinielli nous entraîne dans les recoins sombres d’une famille que rien, de l’extérieur, ne laissait présager brisée à ce point. Car ce meurtre n’est pas une explosion soudaine : il est l’aboutissement d’années d’inceste, de domination psychologique, de violence diffuse et pourtant constante. Un système familial fermé sur lui-même, fonctionnant selon ses propres règles, au sein duquel Denis Mannechez est à la fois père, mari, tyran et gourou.

Pour reconstruire la trajectoire de cet homme condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 2018, l’autrice s’appuie sur les archives de presse, les comptes-rendus d’audience, mais aussi sur le récit de Betty Mannechez, deuxième fille de la fratrie, qui a témoigné dans un livre bouleversant. Peu à peu, se dessine la carte d’un enfermement absolu, d’une emprise totale que ni la société ni les institutions n’ont su briser à temps.

Avis 

Michèle Pedinielli aborde ce fait divers avec un mélange rare de précision journalistique et de sensibilité littéraire. Loin de la simple compilation d’événements, elle construit une lecture rigoureuse de ce qui se joue derrière les murs d’une maison apparemment banale. Elle expose les mécanismes de l’inceste, la façon dont il façonne silencieusement la vie d’une famille entière, mais elle montre également comment le déni collectif, la complaisance ou l’aveuglement institutionnel peuvent permettre à un système toxique de prospérer.

Ce qui rend ce récit particulièrement marquant, c’est la manière dont l’autrice atteint l’essentiel sans jamais céder au sensationnalisme. Elle s’inscrit dans une tradition du true crime exigeante, héritée du genre américain, mais en y apportant une profondeur d’analyse très française. Le livre questionne nos angles morts : l’inceste, l’emprise, la justice parfois maladroite, et surtout cette idée insupportable qu’un crime peut être l’ultime point d’un engrenage que personne n’a su stopper.

La lecture est difficile, glaçante. Non parce qu’elle cherche à choquer, mais parce qu’elle met en lumière ce que beaucoup d’entre nous préfèrent ignorer. Elle révèle l’incapacité d’une société à protéger les plus vulnérables, le poids du secret, et la solitude extrême dans laquelle certaines victimes évoluent pendant des années.

C’est un livre qui bouscule l’esprit autant qu’il interroge la conscience. Il éclaire davantage qu’il n’accuse, ouvre des perspectives plus qu’il ne ferme des portes. Et une fois terminé, un besoin instinctif revient : celui de se réfugier dans la fiction, comme si le réel venait de dépasser toutes les limites.

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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