Chronique de La Petite fasciste, de Jérôme Leroy
« Francesca veut se battre aux côtés des mecs, tomber avec eux s’il faut tomber, comme Nils. Elle refuse un dieu unique, qui n’aime pas les femmes, elle préfère la mer alliée avec le soleil, les siestes dans les kyats, la seule vérité de la beauté sauvage du monde. »
Jérôme Leroy, La Petite fasciste, La manufacture des livres, 2025, p. 110.
Motivations initiales
Un coup de cœur de mon libraire et il a su me convaincre de repartir avec !
Synopsis
Dans un futur proche, la France vacille. Le pays tangue entre les extrêmes, les valeurs républicaines se délitent, et l’air que l’on respire sent le crépuscule politique. C’est dans ce décor inquiétant qu’apparaît Francesca, vingt ans, issue d’un milieu nationaliste flamand, ultraconservateur. Fière, brillante, radicalisée — mais surtout profondément seule.
À contre-courant, Patrick Bonneval, député socialiste en fin de course, observe la débâcle avec le recul d’un homme qui a trop vu et trop perdu. Rien ne les destinait à se croiser. Encore moins à s’aimer.
Et pourtant…
À travers cette relation aussi déroutante qu’inattendue, Jérôme Leroy explore les zones grises de l’idéologie, la dérive d’un pays, et la façon dont l’amour – même le plus improbable – peut devenir un révélateur autant qu’un miroir déformant.
Ce n’est pas une romance. C’est une tension permanente, entre attirance et répulsion, entre passé honteux et avenir impossible. C’est un roman sur la contamination politique, l’identité, les fractures générationnelles — et ce qui subsiste quand tout semble foutu.
Avis
Un récit glaçant, dérangeant, fascinant, qui ne cherche jamais à nous caresser dans le sens du poil, mais plutôt à nous gifler doucement, avec élégance.
Jérôme Leroy installe dès les premières pages une ambiance crépusculaire : une France au bord du basculement, dans laquelle l’extrême droite n’est plus un épouvantail mais une réalité banalisée, presque administrative. Et c’est dans ce climat délétère qu’il met en scène une rencontre inattendue : celle de Francesca, jeune femme brillante mais endoctrinée, issue d’un milieu nationaliste flamand ultra-réactionnaire, et de Patrick Bonneval, vieux lion socialiste sur le déclin, qui regarde son époque avec un mélange d’amertume et de lucidité.
Ce que j’ai adoré dans ce roman, c’est qu’il refuse la facilité. Il n’essaie pas de moraliser, de trancher entre les bons et les méchants. Il nous tend un miroir trouble, et nous pousse à regarder ce qu’on n’a pas envie de voir : la fascination pour l’ordre, le besoin de repères, le cynisme des élites, la lassitude démocratique. Et au milieu de tout ça, une sorte de romance impossible, qui ne cherche pas à émouvoir, mais à interroger.
La plume de Jérôme Leroy est acérée, parfois lyrique, souvent cruelle. Il y a une tension constante, une élégance dans la noirceur, un art de suggérer plutôt que de démontrer. On lit avec le ventre noué, l’esprit en alerte. Ce n’est pas une lecture de tout repos, mais c’est une lecture nécessaire.
Alors oui, tout n’est pas parfait. Certains personnages secondaires sont un peu en retrait, et le rythme peut sembler contemplatif par moments. Mais l’essentiel est ailleurs, dans cette atmosphère toxique qu’il recrée avec brio, dans ces dialogues feutrés qui cognent plus fort que des cris, et dans cette réflexion profonde sur l’époque.
La Petite Fasciste, c’est un roman politique sans être militant, dérangeant sans être racoleur, fin sans être prétentieux. Un roman qui laisse une trace, pas forcément confortable, mais durable.
À lire si vous aimez les récits qui explorent les fractures sociales et idéologiques avec finesse, et si vous êtes prêt·e à affronter l’inconfort pour mieux comprendre notre époque.
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

