Policiers, Roman noir

Un Soleil sans espoir

Chronique de Un Soleil sans espoir, de Kent Anderson.

« Ils se moquent que des trafiquants de drogue noirs se fassent exécuter, mais les lâcher ensuite dans des quartiers blancs chics, ça fait tache. C’est comme traverser à l’aveuglette juste devant un véhicule de patrouille. C’est considéré comme un manque de respect. »

Kent Anderson, Un Soleil sans espoir, Folio Policier, 2019, p. 395.

Motivations initiales

Cette histoire d’un ancien des forces spéciales au Vietnam qui devient policier et qui semble ne pas partager le racisme ambiant m’a immédiatement attiré l’œil, depuis la table de la librairie où elle attendait sagement. Alors ce livre a rejoint ma PAL, mais pour en ressortir presque aussitôt…

Synopsis

Notons avant tout que, même si le parallèle s’arrête peut-être là, Kent Anderson et son personnage, Hanson, ont plusieurs choses en commun. Ils ont, tous les deux, fait partie des forces spéciales au Vietnam, et, à leur retour, ils ont tous les deux été policiers et professeurs de littérature, Mais Hanson ne s’est pas senti à sa place à l’université, d’où, à 38 ans, son retour vers la police, à Oakland.

Dès l’académie de police, pourtant, il se sent en décalage avec ce que la hiérarchie attend de lui. On lui demande de faire du chiffre, quitte à ce que ce soit par la violence. Lui veut être juste et, surtout, il sait qu’il peut obtenir beaucoup par sa seule autorité. Il aime travailler seul, ne craint pas d’aller au contact, y compris pour apaiser une foule par sa seule parole.

Alors que les responsables de l’académie cherchent la moindre erreur qui leur permettrait de l’écarter, il s’impose de rester strictement dans les clous, même si parfois, il ne peut s’empêcher de contredire la parole officielle. Puis, c’est la période de « stage », en quelque sorte, ou une période d’essai, de un an. Un an à tenir avant de valider son diplôme et de pouvoir demander un transfert…

Avis

Je ne me pose en général pas la question de savoir si tel livre est ou n’est pas un roman policier, un livre d’enquête, un roman noir, un thriller… Le seul moment où je le fais c’est au moment de boucler une chronique ici, et de positionner le livre dans une catégorie ou une autre, mais avec, d’abord, la possibilité de le rattacher à plusieurs, et sans que personne ne nous ait jamais reproché d’avoir placé tel livre dans tel ou tel paquet. L’enjeu est donc modéré… voire inexistant.

Pourtant, avec ce livre, je ne vois pas comment ne pas poser cette question. En effet, il ne s’agit pas d’un livre d’enquête, qui commencerait par un meurtre qui serait élucidé dans les trente dernières pages. Les seuls éléments de procédure que l’on découvre, ce sont les codes des différentes interventions qui permettent aux opératrices du dispatch d’attribuer les missions. Et encore ne sait-on pas toujours ce que les codes en question désignent. « 245 au couteau » (visiblement une agression), « un code 5150 » (?), « un 415-F » (a priori une nuisance domestique, dans le contexte familial), « un 980-B » (si j’ai suivi, une pause-pipi), « un 414C » (peut-être une personne inanimée trouvée sur la chaussée), « un code 11550 » (conduite en état d’ivresse ou sous l’emprise de drogue)… je vous en épargne plein d’autres !

Il n’y a pas non plus une affaire que l’on suivrait du début à la fin. Non, ici, on suit le quotidien d’un patrouilleur, qui passe d’une altercation à une bagarre, d’un quartier à un autre, d’une urgence à une autre. Le tout en sous-effectif, donc avec la certitude que, dans la plupart des cas, même s’ils s’avéraient nécessaires, il n’y aurait pas de renforts. De plus, Hanson, qui semble développer une phobie administrative inversement proportionnelle à l’exigence croissante de paperasse, fait tout pour que ses interventions, autant que possibles, ne nécessite qu’un lapidaire « Problème résolu au moment du départ ».

C’est en fait à une sorte de road-trip halluciné que l’on assiste. Hanson, qui se considère comme mort et qui ne craint donc plus cette dernière, traverse la ville qui n’est, d’une certaine façon qu’un halo lumineux, avec parfois des flashs sur ce qu’il a vécu au Vietnam, parfois des flashs éveillé à l’occasion desquels il voit la Mort, ou un lapin noir. Et notre expérience sensorielle intègre également des périodes pendant lesquelles il dort, d’autres pendant lesquelles il boit…

Les trois choses qui parviennent temporairement à l’apaiser, c’est Weegee, un gamin à vélo qu’il prend l’habitude de croiser ; Mickey, le cocher et Champagne, sa jument, avec qui il aime discuter de temps en temps, à l’aube, avant de rentrer chez lui ; et Lybia, rencontrée lors d’une intervention… mais la relation entre un policier blanc et une femme noire, à Oakland…

Ce n’est pas une lecture facile, ni fluide. Je ne sais pas encore si je lirai les deux autres livres de la trilogie à laquelle ce livre appartient – je n’ai d’ailleurs pas compris quelle place il occupe dans la trilogie, ni quels sont les deux autres livres en question. Bref, un livre qui n’est pas le premier que je recommanderai, malgré ses indéniables points d’intérêt…

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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