Chronique de L’Âme de l’Empereur, de Brandon Sanderson.
« Nous avons peut-être le sentiment de tout contrôler, mais ce n’est jamais réellement le cas tant que nous ne comprenons pas les gens. Contrôler notre environnement ne consiste plus à faire obstacle au vent mais à savoir pourquoi la servante pleurait hier soir, pourquoi tel garde perd toujours aux cartes. Pourquoi votre employeur vous a engagé en premier lieu. »
Brandon Sanderson, L’Âme de l’Empereur, Le Livre de Poche, 2014 (8e édition 2024), p. 118.
Motivations initiales
J’ai lu beaucoup et j’aime le « médiéval fantastique » et les sous-genres proches. Mais depuis plusieurs années, j’observe une inflation du nombre de pages dans les romans, comme si, hors des pavés, point de salut. Et j’en ai marre des pavés ; en tout cas, je ne veux pas lire que des pavés. Alors j’ai mis au défi notre libraire : de la fantasy mais en moins de 250 pages. Pour être totalement honnête, il lui a fallu un petit peu de réflexion, mais elle m’a rapidement mis entre les mains L’Âme de l’Empereur, de Brandon Sanderson (un auteur que, étonnamment, je n’avais encore jamais lu).
Synopsis
Shai est une Forgeuse, que certains appellent Faussaire, c’est à dire qu’elle maîtrise une magie qui lui permet de « falsifier » des objets – par exemple, transformer une poterie basique en une œuvre d’art, en modifiant son apparence.
Mais c’est considéré par les factions nobles comme abominable… sauf si c’est effectué par quelqu’un qui est à leur service et à leur profit, bien sûr !
Or, cette fois, Shai est tombée dans un piège tendu par le Fou impérial, qui l’a convaincue de dérober le Sceptre de Lune, exposé dans la Galerie impériale. Résultat : le Fou s’est visiblement enfui avec le sceptre, et elle est à l’isolement, en attendant son exécution.
Sauf que, au dernier moment, les Arbitres la convoquent, et lui proposent un accord. Pour avoir la vie sauve, elle doit, en trois mois, forger un Falsificat de l’âme de l’Empereur qui, depuis un attentat dont il a été victime – et durant lequel son épouse est morte -, ne parle plus. Son cerveau, trop endommagé lors de l’attaque, est désormais vide. Si la chose se sait, un nouvel Empereur sera désigné, et les Arbitres perdront leurs positions éminentes !
Shai est-elle capable de faire quelquechose de cet ordre ? Elle même l’ignore. Et en trois mois ? Ça certainement pas… mais ce délai, après tout, lui permet d’espérer encore trouver une solution pour s’enfuir. Après tout, elle n’a rien à perdre.
Pour mener à bien un tel exploit, il lui faut tous les écrits, toutes les informations lui permettant de connaître « intimement » l’Empereur. Et elle a besoin de pouvoir tester des versions successives. Et ces tests, elle les réalisera avec l’Arbitre Gaotona…
Avis
J’ai d’abord envie de signaler que Brandon Sanderson nous propose ici un système de magie original, que je n’avais encore jamais vu dans aucun livre, sauf erreur de ma part. Et c’est assez agréable, d’autant qu’il parvient à nous le décrire, ainsi que le monde qui l’entoure (lequel, pour des raisons évidentes, présente un certain nombre de particularités qui le distingue de celui dans lequel nous évoluons et qui nous parait donc « aller de soi »), et tout cela en moins de 200 pages. C’était exactement la « commande » faite à la libraire, et la case est cochée !
Mais surtout, dans cette histoire qui pourrait sembler assez simpliste, l’auteur parvient à aborder de manière fine des sujets qui sont tout à fait intéressant. Nous avons ainsi une réflexion sur le pouvoir, sur ce que cela fait aux individus, comment cela la modèle, comment cela les change. Et c’est un sujet qui est et a toujours été d’une très grande actualité.
J’ai également choisi la citation qui figure en haut de cette chronique parce qu’elle évoque un autre thème de ce livre, autour de l’idée que notre connaissance des personnes qui nous entourent reste toujours superficielle, alors que c’est réellement là que réside ce qui est important.
Les personnages dans ce roman sont également attachants et notamment les deux personnages principaux : Shai, qui fait preuve d’une sorte de candeur doublée de roublardise ; Gaotona, dont le sens politique ne parvient pas totalement à faire disparaître la profonde humanité.
Tout un passage entre eux est consacré à une question qui porte sur la meilleure façon de manipuler les autres… qui aboutit à la conclusion, donnée par Shai que la façon la plus compliquée et difficile de procéder est d’être sincère. L’idée même de manipuler les gens en étant sincère parait initialement absurde à Gaotana, mais celui-ci finit par reconnaître (implicitement) que Shai a sans doute raison…
Ce roman, sous ses dehors de bluette « fantaisiste », propose en réalité une réflexion qu’il n’est sans doute pas excessif de qualifier de politique. Et ce n’est pas le moindre intérêt de ce livre…
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

