Chronique de Le Loup des Cordeliers, d’Henri Lœvenbruck.
« À sa connaissance, il n’y avait pas eu des dizaines de morts, mais un seul, sous les sabots d’un cheval. Il y avait eu, en revanche, de nombreux blessés, et la chose était déjà assez choquante.
Voyant que la foule n’aspirait point à la raison, il se garda bien d’aller rectifier la vérité, mais il éprouva une grande tristesse. Quoi que Récif pût dire sur ses motifs réels, le soulèvement des Français était légitime, et voilà qu’on le salissait en lui donnant de faux arguments, qui risquaient de le discréditer. »
Henri Lœvenbruck, Le Loup des Cordeliers, XO Éditions, 2019, p. 303.
Motivations initiales
Est-il bien nécessaire de tenter d’expliquer pourquoi ce livre est arrivé dans notre PAL, étant entendu que plusieurs livres d’Henri Lœvenbruck ont été chroniqués sur ce blog, et que si certains ne l’ont pas été, c’est uniquement parce qu’ils avaient été lus avant même que ne naisse l’idée de cet espace… Bref, la seule chose qui mériterait explication ici, c’est de savoir pourquoi ce livre est resté aussi longtemps sans être lu… mais cela tient à tellement de facteurs…
Synopsis
Alors que l’agitation gronde à Paris, en ce mois de mai 1789, le jeune Gabriel Joly arrive dans cette capitale où il espère bien accomplir son rêve : devenir journaliste… contre l’avis de son père, qui veut faire de lui un imprimeur. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il l’a envoyé se former à Cantorbéry, afin qu’il revienne à Evreux reprendre l’imprimerie familiale. Mais Gabriel en a profité pour étudier la philosophie, l’histoire et la rhétorique à Liège.
Il tente sa chance auprès de son oncle, Antoine-Alexis Cadet de Vaux, qui se trouve être l’un des fondateurs du Journal de Paris. Il obtient, malgré les réticences du directeur du journal, Jean-Michel Xhrouet, de s’occuper de la rubrique des spectacles. Mais sa chance pourrait bien venir de ce que, pour son premier soir à Paris, il prend la défense d’un bohémien, ce qui lui vaut de se faire remarquer par Camille Desmoulins, qui l’invite à assister aux débats qui se déroulent au cloître des Cordeliers. Gabriel Joly ne le sait pas encore, mais cela va lui permettre d’entrer dans un cercle qui compte Danton, Mirabeau, Robespierre…
Très vite, il se lasse de la rubrique des spectacles, d’autant qu’une enquête lui tend les bras : un mystérieux justicier semble courir les rues de Paris, protégeant la veuve et l’orpheline, accompagné d’un loup tenu en laisse. Très vite, il est surnommé le Loup des Cordeliers…
Avis
Notons d’abord, avant de s’intéresser plus avant à ce livre, que la citation n’a pas été choisie par hasard. Henri Lœvenbruck y exprime en effet quelque chose que j’ai eu l’occasion de constater à plusieurs reprises ces derniers temps, soulignant comment les mêmes phénomènes peuvent se retrouver à divers moments de l’Histoire. En effet, l’extrait qui figure en haut de cette page décrit comment Gabriel Joly se trouve profondément attristé par le fait qu’une cause noble – ici, le soulèvement des parisiens en ce début de la Révolution française – soit parfois « défendue » – ou prétendûment défendue – par des mensonges, des approximations, des relations inexactes. Et cela a résonné, pendant ma lectures, avec plusieurs situations parfaitement actuelles, à l’occasion desquelles j’ai pu observer exactement le même phénomène. Défendre une cause juste exige de s’astreindre à être précis et exact. À défaut, vous jouez en réalité contre votre camp, car les arguments qui s’avèrent aisés à démonter viennent en réalité affaiblir votre thèse. Bref, plus votre cause est juste et noble, plus vous vous devez d’être irréprochable…
Mais revenons à ce livre. On y retrouve le goût de l’auteur pour l’Histoire, pour les intrigues qui entremêlent des trames complexes. Il nous campe un personnage intéressant, ce Gabriel Joly qui débarque à Paris avec son rêve de devenir journaliste, féru d’enquêtes, et qui, grâce au hasard, rencontre certains des personnages centraux de la Révolution. On se prend très vite d’intérêt pour ce jeune homme curieux, dont la naïveté n’égale que la droiture. L’intrigue est solide, Henri Lœvenbruck a visiblement fourni un important travail pour reconstituer au plus précis l’époque trouble dans laquelle il a choisi de placer cette histoire.
Tout cela fonctionne à merveille. Et c’est l’occasion de souligner, une fois de plus, comment cet auteur polymorphe parvient à passer d’un genre à un autre, d’une époque à une autre, d’un enjeu à un autre, avec une facilité déconcertante.
Il y a une seule question à laquelle je me sens difficilement capable de répondre. Ce serait celle de savoir quel serait LE livre de Henri Lœvenbruck à découvrir en priorité. Là, je crois que ce serait une colle : j’aurais autant envie de dire La Moïra que Nous rêvions juste de liberté ou L’Apothicaire…
Et si, parmi vous, il y a des personnes qui n’ont jamais lu Lœvenbruck, quelle chance vous avez : il vous reste tellement à découvrir !
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.


Moi je dirais « Nous rêvions juste de liberté » pour découvrir ! Ce roman restera à jamais l’un de mes plus gros coups de cœur !
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