Dans cette page rattachée à la rubrique A travers livres, nous vous proposons un parcours subjectif parmi les îles qui émaillent nos lectures. Sans prétention ni à l’exhaustivité, ni à une quelconque érudition, c’est plutôt une promenade dans quelques livres, connus ou moins connus, dont une partie de l’histoire se déroule dans une île…
Dans le Dictionnaire des symboles (Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Editions Robert Laffont, 1982), l’île, lieu que l’on n’atteint qu’après un voyage, est décrite comme le symbole par excellence, d’un « centre spirituel primordial ». Dans la mythologie, l’île est souvent une métaphore de l’au-delà, où les dieux et les élus sont appelés à se retrouver : c’est le cas chez les Celtes, avec des îles réputées se situer à l’ouest ou au nord du monde.
Elle peut également constituer un lieu clos, séparé, qui devient alors propice lorsqu’il s’agit de présenter un groupe distinct, dont l’évolution particulière à un intérêt particulier.
Paradisiaque ou dangereuse, lieu de liberté ou d’enfermement – les exemples d’îles-prison ou d’îles-bagnes ne manquent pas, dans la réalité -, on le voit, l’île n’est jamais un lieu neutre… et ce ne sont pas nos amis anglais qui nous diront le contraire !
Quelques îles dans nos lectures…
Dans Le seigneur des anneaux, Tolkien décrit la façon dont les Elfes, dont le temps sur les terres du milieu s’achève, s’embarquent pour Aman, le « Royaume Béni ». Et, dans Le Silmarillion, on trouve cette citation : « Pourriez-vous naviguer en évitant tous les pièges et illusions de la mer et parvenir jusqu’au Pays d’Aman, le Royaume Bienheureux, que vous n’y gagneriez rien. Car ce n’est pas le pays de Manwë qui rend ses habitants immortels, mais ce sont les immortels qui ont béni la terre où ils vivent. La fatigue et la vieillesse vous y prendraient d’autant plus vite que vous seriez comme des phalènes pris dans une lumière trop forte » : l’île d’Aman n’est pas accessible à tous, tous les elfes n’y auront pas accès, seuls les Valar ont droit à ce repos éternel. On retrouve cette figure de l’île sanctuaire dans plusieurs livres de fantasy, comme l’Apprenti d’Araluen ou dans Eragon – écrits par John Flanagan, pour le premier, Christopher Paolini pour le second -.
L’île peut aussi être le lieu d’une aventure, celle de la survie – une émission de téléréalité en est une expression -, ou celle de l’aventure intérieure… ou les deux. Robinson Crusoé, de Daniel Defoe, est amené non seulement à déployer ses capacités pour survivre, mais développe également une réflexion sur le sens de la vie. De son isolement, il tire une leçon religieuse. Reprenant ce thème de l’homme isolé sur une île, de nombreuses « robinsonnades » ont été écrites, comme Vendredi ou les limbes du Pacifique, de Michel Tournier, l’Ecole des Robinsons, de Jules Verne. De nombreux auteurs s’y sont confrontés, de Fenimore Cooper à Saint-John Perse, de Jean Giraudoux à William Golding, de Robert Merle à Arto Paasilinna, chacun apportant sa vision du sujet. Maupassant, dans L’île des esclaves, a lui aussi choisi de placer sur une île un lieu à part, où maîtres et esclaves échangent leur place.
Dans certaines histoires, l’île est un lieu mystérieux, secret. C’est le cas dans la superbe série de Pierre Grimbert, Le secret de Ji (Mnemos, 1996). Lorsque l’histoire débute, on découvre que, depuis 118 ans, les descendants des membres d’un groupe parti pour un long et périlleux voyage dont beaucoup ne sont pas revenus, se réunissent pour en célébrer la mémoire. Mais un personnage mystérieux, Nol l’étrange, disparu lors du premier voyage, fait alors sa réapparition… et les entraîne dans un voyage encore plus périlleux, qui les emmène jusqu’à l’île de Ji, un lieu très particulier. Ici, l’île est indéniablement un centre névralgique, où des hommes et des femmes rencontrent leur destin. On retrouve également quelque chose de cet ordre dans l’excellente série Le sang des 7 rois, de Régis Goddyn. Orville, après des péripéties sans nombre, aboutit sur l’île du Goulet. Il en organise la vie et la défense, la fortifie, la défend autant que possible contre les Gardiens. Bref, il en fait, pour un temps au moins, un sanctuaire. Mais on peut également penser à une bande-dessinée de Van Hamme et Rosinski, sortie en 1988, Le grand pouvoir du Chninkel, dans laquelle J’on, un personnage issu d’un « petit peuple » esclave est appelé à sauver le monde – rien que cela -. Et pour cela, il doit aller au delà de la Grande Eau, pour consulter Sualtam, la mémoire du monde. En l’occurrence, cette mémoire du monde est située sur une île, lieu de connaissance particulièrement difficile d’accès.
Dans un autre genre, l’île peut être, par son isolement, le lieu d’une vie en vase clos, comme dans La plage, d’Alex Garland – qui a servi de scénario au film du même nom, dans lequel on ne peut oublier le rôle de Leonardo Di Caprio…
On retrouve également des îles habitées seulement par des femmes, à la fois dans la mythologie et dans la réalité, avec des collèges sacerdotaux féminins dans des îles du littoral de la Gaule (île de Sein, île de Mona…). C’est ce que l’on retrouve dans les légendes arthuriennes, avec l’île d’Avalon : si cette dernière est, dans certaines interprétations le séjour éternel (Arthur y est emmené, mais à titre provisoire, dans l’attente de son retour), elle est aussi le séjour de Morgane la fée et de ses huit soeurs.
Mais les îles peuvent aussi être des lieux de danger. C’est par exemple le cas dans les Chevaliers d’émeraude – Anne Robillard -, ou dans Tara Duncan, Le continent interdit – Sophie Audouin-Mamikonian -. En effet, dans ces deux livres, l’île est un lieu qui permet de contenir des monstres… Mais, naturellement, les héros des histoires vont s’y rendre, et, surtout, en ressortir vivants ! C’est également ce schéma que l’on retrouve dans L’île du docteur Moreau, de H. G. Wells, et dans le plus contemporain L’Homme de l’ombre, de Robert Harris, qui a inspiré à Polanski pour tourner The Ghost Writer.
L’île comme lieu d’enfermement est également un thème récurrent. Inutile d’aller chercher très loin pour penser au Comte de Monte Cristo, d’Alexandre Dumas : la culture populaire ne manque pas faire une place à ce schéma
Je ne peux terminer ce survol sans évoquer Peter May. En effet, on l’a vu, l’île est un symbole fortement lié à la mythologie, et on le retrouve dans de nombreux ouvrages de fantasy. Mais elle apparait aussi dans des romans policiers parfaitement contemporains, et, dans ce domaine, la Trilogie de Lewis fait partie de mes références. L’île de Lewis, située dans l’archipel des Hébrides, est à la fois, pour Fin Macleod, le « héros » de ce roman, un retour à l’enfance, mais aussi – surtout ? – une sorte d’étape inévitable sur le chemin d’une possible renaissance. Il y revient contre son gré, et va devoir affronter tout ce qu’il a laissé derrière lorsqu’il a fui, des années plus tôt. Ici, l’île est initiatique autant qu’enfermement. Et Peter May ne s’est pas arrêté là, puisque la figure de l’île réapparait dans certains de ses autres romans, et notamment L’île au rébus, ou L’île du serment.
Ouiiiii, l’île dans le secret de Ji ! Je n’y aurais plus pensé du tout, alors que l’île au trésor ou robinson me viennent de suite à l’esprit !
Y’avait l’île au enfants, aussi… ♫ c’est le pays joyeux des enfants heureux, des monstres gentils, oui c’est le paradis ♪ (je sors) 😛
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Ok, quand on en sera au thème « rue », il ne faudra pas oublier 1 rue Sésame :-))
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Super article, vraiment très intéressant ! Etant une grande fan de Tolkien, j’ai particulièrement aimé la citation du Silmarillion ;-P
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