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Unobtainium

Vous ne connaissez pas l’unobtainium ? Mais comment est-ce possible ? Non, non, rassurez-vous, si vous découvrez ce terme, c’est assez normal : il s’agit d’un néologisme, qui désigne tout matériau fictif, présentant en général des propriétés physiques impossibles. L’histoire de ce mot est en elle-même intéressante : souvent considéré comme émanant de la communauté de la science-fiction, mais non daté, son origine est visiblement anglo-saxonne : un-, un préfixe privatif, obtain (obtenir), et la terminaison –ium, qui rappelle le nom des métaux lourds (uranium, indium, gallium…).

Le terme a pris racine, dans les années 50, dans le milieu des ingénieurs aéronautiques. Ainsi, une des premières mentions dont on retrouve la trace, dans ce contexte, figure dans l’édition du 27 février 1956 du Marshall Evening Chronicle, journal publié à Marshall, dans le Michigan (le Michigan, le Michigan, mais, attendez, c’est l’état où se trouve Détroit et où les trois constructeurs automobiles américains ont leur siège… les métaux, c’est un sujet qui les concerne, clairement). Il apparaît d’ailleurs, à partir de 1958, dans l’Interim Glossary of Aero Space Terms, soulignant son adoption définitive (le glossaire en question en donne une définition).

Mais d’autres sources font apparaître un emploi antérieur. Dans un document émanant de Dechema (association allemande de recherche), en 1930, le terme est employé, signalant que « un américain » avait employé le terme comme « une blague », pour désigner un matériau aux caractéristiques impossibles à obtenir.

Bref, l’unobtainium est un nom générique qui permet de désigner tous les matériaux, et donc, forcément, tous les métaux « fictionnels ». Et force est de constater qu’ils sont tout de même assez nombreux… mais nous y reviendrons plus tard.

Profitons ici de l’occasion pour voir ce que, de façon générique, les mythes font des métaux (nous aurons l’occasion, par la suite, de traiter les métaux existants, or, argent, fer…). Le premier aspect à signaler est le mythe décrit par Hésiode dans Les travaux et les jours (poème grec que les spécialistes estiment remonter à la fin du VIIIe siècle avant JC), celui des « races métalliques ». Il décrit notamment cinq races successives de l’humanité, race d’or, d’argent, de bronze, race des héros et enfin race de fer. Jean-Pierre Vernant établit un parallèle avec les âges (yuga) que l’on retrouve dans les doctrines indiennes, et dont il considère que l’origine commune pourrait être la Perse antique. On peut également voir un lien avec le chant scandinave de Rigr, qui décrit comment le dieu Heimdall donne naissance à trois races d’hommes.

Les métaux symbolisent en général la solidité, la matérialité. Naturellement, chaque métal possède ensuite sa symbolique propre, mais qui intègre et complète celle, générale, des métaux.

Les religions (on pourra consulter à ce sujet l’article « Le symbolisme des métaux et le mythe des races métalliques », de Pierre et André Sauzeau, dans la Revue de l’histoire des religions, 2002) se sont emparées de la symbolique des métaux. Ainsi, en Mésopotamie, l’un des dieux, Gabil, est présenté comme celui qui constitue des alliages, et qui raffine des métaux. Ceux-ci sont présentés comme bénéfiques, et mis sur un pied d’égalité avec des pierres précieuses. À l’inverse, dans d’autres religions, les métaux, issus de la terre, et donc proches des mondes souterrains, sont plutôt présentés comme maléfiques – de même que ceux qui les forgent, les forgerons ! Comme Héphaïstos (Vulcain), malgré leur importance vitale dans les sociétés antiques, ces travailleurs du feu et du métal étaient souvent tenus à l’écart.

L’alchimie aussi a développé sa propre symbolique des métaux, qui sont associés à une planète (ce que l’on retrouve également dans l’astrologie chaldéenne, par exemple). Mais le philosophe et psychiatre Carl Jung y voit une allégorie du processus psychologique d’individuation : il faut sublimer, purifier, accéder à une mort symbolique pour renaître à soi même… On retrouve une symbolique proche dans l’initiation maçonnique, les métaux représentant à la fois les scories et impuretés dont il faut se débarrasser, et une image du processus de croissance.

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Les unobtainium dans nos lectures

Une fois de plus – mais ses références et son recours permanents aux grands mythes de l’humanité le rendent souvent incontournable –, Tolkien est le premier auquel on pense lorsque l’on fait référence à un métal légendaire. Le mithril (éclat gris, en sindarin) est en effet un excellent exemple d’unobtainium. Brillant comme de l’argent mais ne se ternissant pas, extrêmement résistant, il est employé autant pour des ornements magiques (Nenya, l’anneau de Galadriel) que pour des éléments d’armure (la cotte de mailles de Bilbo, qu’il transmet ensuite à Frodon, ou les heaumes des gardes de Minas Tirith).

Mais un autre unobtainium connait une existence remarquable : l’orichalque. Signalé dans plusieurs textes antiques (Le bouclier d’Héraclès, attribué au même Hésiode ; le second Hymne homérique à Aphrodite), il est décrit par Platon comme un métal employé par les Atlantes, dans le Critias. Francis Bacon, en 1624, en parle dans La nouvelle Atlantide, selon une figure reprise ensuite par Pierre Benoît en 1919 (L’Atlantide), puis Juliette Benzoni en 2009 (L’anneau d’Atlantide). On le retrouve également dans plusieurs épisodes de la série Harry Dickson, de Jean Ray, ou dans Le cycle de Pendragon, de Stephen Lawhead. Côté bandes-dessinées aussi, l’orichalque fait également recette : on le retrouve ainsi mentionné dans Le maître de l’atome (série Lefranc, de Jacques Martin), dans Le spectre de Carthage (série Alix, du même Jacques Martin), ou dans L’énigme de l’Atlantide (série Blake et Mortimer, d’Edgar P. Jacobs). Enfin, l’Ouroboros, bague qui apparaît à plusieurs reprises dans la série Thorgal, est constituée d’orichalque.

L’univers Marvel est également riche en unobtainium. Le bouclier de Captain America est en partie constitué de vibranium de Wakanda ; il existe aussi une autre variante de vibranium, le vibranium de l’Antarctique ; l’uru, qui entre dans la composition de la lance d’Odin, Gungnir, ou du marteau de Thor, Mjölnir.

Mention spéciale pour l’adamantium, qui apparaît également dans l’univers Marvel, dans lequel il est le métal le plus résistant de tous les unobtainium. Mais on le retrouve également dans Coup de tabac, de Terry Pratchett (dans le cycle Les annales du disque-monde) et équipant Drizzt Do’Urden, l’elfe noir du cycle Les royaumes oubliés, de Robert Anthony Salvatore. Et même si ce ne sont pas des livres, nous ne pouvons pas ne pas signaler que l’adamantium apparaît dans deux jeux vidéos, Baldur’s Gate d’une part, et Neverwinter Nights (ce second étant particulièrement cher à Fabien Cerutti, l’auteur du Bâtard de Kosigan).

Signalons aussi l’ilenite, dans L’arcane des épées, de Tad Williams, et le vif-acier dans Eragon, de Christopher Paolini…

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