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Bijou

En commençant à rassembler un petit peu de matière sur l’histoire des bijoux, j’ai fait une découverte. Oh, rien de révolutionnaire pour les spécialistes de la question. Mais je découvre que, dans l’état actuel des connaissances, il semble difficile de déterminer si l’homme à d’abord commencé à se vêtir, ou à porter des bijoux. En effet, on a longtemps considéré que les plus anciens bijoux connus étaient une collection de 41 coquillages percés datés de 75 000 ans, trouvés sur le site de Blombos en Afrique du Sud, mais un article de 2006 paru dans la revue Science fait état d’ornements corporels retrouvés en Algérie et en Israël qui remonteraient entre 100 et 135 000 ans (Marian Vanhaereny, Francesco d’Errico, Chris Stringer, Sarah L James, Jonathan A Todd, Henk K Mienis, « Middle Paleolithic Shell Beads in Israel and Algeria », Science, 2006).

Mais alors, à quand remontent les premiers vêtements ? Eh bien c’est extrêmement difficile à établir, figurez-vous ! En effet, on en retrouve peu de traces, réellement. Résultat, la fourchette annoncée par les scientifiques est extrêmement vaste : on sait avec certitude qu’il y a 83 000 ans, les hommes avaient commencé à se vêtir, mais l’étude de certains parasites (en l’occurrence, des poux !) permet d’envisager que l’homme ait commencé à employer des vêtements entre cette date et… 170 000 ans !

Bref, nous ne saurons pas, dans l’immédiat, si l’homme a d’abord cherché à orner son corps de bijoux, ou à la protéger avec des vêtements. En revanche, les spécialistes trouvent plus aisément un consensus autour des différentes fonctions de ces objets, au delà de leur côté purement décoratif (dont on peut douter qu’il ait été prioritaire).

Le bijou peut d’abord avoir un rôle utilitaire : peignes, fibules, piques à chapeau, boucles de ceinture, bague-sceau…

Il peut également avoir un rôle « identitaire », permettant à son porteur d’être reconnu comme membre d’un groupe, d’une communauté. On peut donner ici l’exemple du « joint », anneau d’or que les Compagnons du Tour de France portent à l’oreille et leur permet (ou leur permettait… l’usage s’en étant répandu au-delà de cette communauté) de se reconnaître entre eux. En Égypte ancienne, le port d’un bracelet de cheville était un signe désignant celle qui le portait comme prostituée…

Un bijou peut également avoir un rôle social. D’abord en ce qu’il est un marqueur de richesse, par l’emploi de matières rares et coûteuses (métaux rares, pierres précieuses…). Mais également en étant un signal d’appartenance à un groupe spécifique, l’exemple le plus classique étant celui de l’alliance, qui désigne son porteur, homme ou femme, comme étant marié(e). L’Anneau du Pêcheur, lui, est un insigne de la Papauté…

Il peut aussi avoir une fonction magique ou religieuse, il s’agit alors de gri-gri, de talismans, d’amulettes, censés protéger ou soigner, leur porteur.

Le bijou peut également acquérir une valeur sentimentale : il est alors le support d’un souvenir particulier, lié à un lieu, à une personne… Certains bijoux peuvent alors devenir de véritables reliquaires, capables d’accueillir une photo, une mèche de cheveux, une dent de lait, des cendres…

Enfin, il peut avoir une fonction érotique. Pierre Guiraud, à ce sujet, insiste sur l’étymologie du mot, bijou et joyau venant tous les deux de joie, substantif du verbe jouir. Le sexe de l’autre est souvent appelé « Le bijou », ce dont on retrouve une trace dans l’expression « les bijoux de famille »… Les auteurs de romans érotique s’en sont également emparés, comme Denis Diderot qui, dans Les bijoux indiscrets, met en scène le sultan du Congo, Mangogul, qui entre en possession d’un anneau magique capable de faire parler les parties intimes des femmes. Il emploie, dans le livre, trente fois les capacités de cet anneau, occasion, pour Diderot, de tracer un panorama des mœurs de la Cour…

Un dernier élément : le bijou n’est en général pas composé d’une pierre précieuse dans son état naturel, mais d’une pierre travaillée, montée, associée à un métal. Il est donc une création humaine, technologique. Il incarne donc dans toute sa complexité l’équilibre instable entre la nature et la culture, entre l’inné et l’acquis, entre le naturel et le construit.

Le bijou dans nos lectures

On peut retrouver tous les rôles décrits précédemment. Ainsi, dans l’Alchimiste, de Michael Scott, Nicolas Flamel dispose d’un collier dans lequel il cache certaines pages du Livre d’Abraham, collier qu’il transmettra par la suite.

Dans Cavalier vert, Kristen Britain nous fait découvrir la confrérie des messagers, qui se reconnaissent entre eux grâce à la broche qui marque l’appartenance au groupe. On retrouve cette figure dans Les conjurés de la pierre, de David Morrell, livre dans lequel on découvre une confrérie de soldats de Dieu, qui se reconnaissent entre eux grâce à une bague, ornée d’une pierre rouge et d’une épée noire.

On retrouve le rôle social des bijoux dans Les trois mousquetaires, d’Alexandre Dumas, dans lequel les ferrets de la reine jouent un rôle important dans l’histoire.

Le rôle magique ou religieux des bijoux est fréquemment mis en scène, comme dans Le Trône de fer, où le Chevalier Oignon, alias Davos Mervault, a placé ses doigts amputés par le Roi Stannis dans une petite pochette qu’il garde autour du cou, et qu’il voit comme un talisman. Dans la trilogie de Henri Leovenbruck, La Moïra, Aléa trouve sur un cadavre une bague étrange, dont elle va découvrir les pouvoirs. Naturellement, en matière d’anneaux magiques, il est difficile d’oublier Le Seigneur des anneaux, avec les anneaux de pouvoir : l’Anneau Unique, trouvé par Bilbo, mais également les trois anneaux des rois elfes, les sept anneaux des seigneurs nains, et les neufs anneaux des hommes (ces derniers, soumis, sont les Nazgûl). Mais on trouve également ce type de bijou dans de nombreux autres livres de fantasy, comme dans la série Le bâtard de Kosigan, de Fabien Cerutti. Dans ce dernier, on retrouve par exemple, dans le tome 1, les braises d’Okma, petits galets gravés de runes divines qui permettent de « stocker » des souvenirs. Et, dans la partie de l’aventure qui se déroule au XIXe siècle, Kergael de Kosigan est à la recherche de l’Oeil d’Odin, amulette sacrée des Khazars.

Dans la nouvelle série en bande-dessinée, Les liaisons dangereuses préliminaires, Adélaïde, nièce de la Comtesse de Senanges, offre à Sébastien un collier, l’œil d’amour. Dans L’héritage des rois passeurs, de Manon Fargetton, Enora reçoit de sa grand-mère un pendentif, dont elle ne connait jusque là que le rôle de souvenir de famille. Dans Rahan (Roger Lécureux, André Chéret), Craô, le père de Rahan, lui offre un collier de griffes, chacun devant lui rappeler une qualité humaine dont il devra faire preuve toute sa vie durant… On se trouve ici en présence de bijoux qui jouent, entre autres fonctions, un rôle sentimental et mémoriel.

Enfin, il y a un conte dans lequel le rôle du bijou est difficile à définir : dans Peau d’Âne, Charles Perrault met en scène une princesse que son père veut épouser. Pour échapper à l’inceste, elle lui demande des cadeaux fous en espérant qu’il ne parvienne pas à les lui offrir, puis elle s’enfuit et se dissimule sous la peau d’un âne. Le prince du royaume où elle se réfugie lui demande de lui confectionner un gâteau, dans lequel elle laisse tomber sa bague, qui lui permet enfin de la retrouver… et de l’épouser !

3 réflexions au sujet de “Bijou”

    1. Merci pour ce très gentil commentaire ! Mais profitons en pour dire que nos souvenirs de lecture sont forcément très incomplets, alors il ne faut surtout pas hésiter à nous signaler d’autres livres, d’autres bijoux, que nous aurions oublié de citer, ou, simplement que nous n’aurions pas lu… Petit appel spécifique : nous ne nous souvenons plus quel rôle exact joue le pendentif que sa grand mère remet à Énora au début du livre de Manon Fargetton, L’héritage des rois passeurs… Si quelqu’un nous rafraîchit la mémoire, nous l’ajouterons 😀

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