Aventures, Historiques

Les serviteurs inutiles

« Je suis resté avec les huguenots parce que je préfère être avec les vaincus. On y est moins gêné par la foule. […] De toute façon, la victoire n’a aucune importance. Ce qui compte, c’est la guerre. La guerre, c’est la vie ! La guerre accouche les vrais hommes. Vous ne pouvez pas comprendre ça, vous… vous, les prudents, les modérés, qui réfléchissez avant d’agir et estimez que vos ennemis n’ont pas tort. »

Bernard Bonnelle, Les serviteurs inutiles, Éditions de la Table Ronde, 2016, p. 114-115.

Motivations initiales

Dans le catalogue de la Table Ronde, ce livre m’a fait de l’œil. La période – les guerres de religion – m’intéresse. Et le résumé annonce, dans ce contexte historique fort, une opposition père – fils qui peut être très intéressante…

Synopsis

Dans la première partie de ce livre, on suit Gabriel des Feuillades, qui, après avoir combattu lors des guerres d’Italie, s’est retiré dans son domaine du Périgord, où il tente de faire parler la raison, alors que tout et tous s’embrasent dans une guerre fratricide. Après avoir connu la guerre, il a acquis la certitude que la religion ne justifie pas de telles violences. Réfléchi et sage, il combat tous les excès.

Mais cette modération est mal comprise, y compris par son fils, Ulysse, par les yeux duquel on revisite une partie de l’histoire dans la deuxième partie. Avec ce dernier, on voit, sous un autre angle – celui des yeux d’un enfant -, les événements découverts dans la première partie, puis nous accompagnons Ulysse dans ses aventures, qui l’emmènent dans les Alpes et à Paris.

Avis

> L’avis de T

Attention : coup de cœur !

La première partie est celle de la modération, de la sagesse, de la prise de recul. Gabriel des Feuillades, hobereau périgourdin, se tient en marge des conflits entre catholiques et huguenots, où il ne voit qu’excès. Il n’y a plus que dans la nature – les arbres, les étoiles – qu’il trouve un équilibre, alors qu’il fait tout pour que son domaine conserve une position neutre. Son seul péché, c’est son infidélité envers sa femme, Louise, épousée sous la pression de sa mère, alors qu’il était amoureux d’une servante, avec laquelle il entretient encore, des années plus tard, une liaison. Le style est enlevé, avec des fulgurances – à la fois dans l’écriture et sur le fond.

« Lorsque les dieux étaient nombreux à se côtoyer sur l’Olympe, les hommes se faisaient la guerre par jeu, pour plaire aux femmes ou pour substituer en haut d’une tour un chiffon vert à un chiffon rouge. Il a fallu l’avènement du Dieu jaloux, qui exige toute la place dans le cœur de ses fidèles, pour voir nos affrontements prendre ce tour haineux et moralisateur qui me déplait beaucoup plus que la brutalité des combats. »

Ou encore :

« Ils te font croire que tu sers l’Église, mais ils t’utilisent pour leur parti. Ils prétendent te révéler la vérité, mais ils t’imposent leurs certitudes. Ils te parlent de morale, mais n’ont que des préjugés. Ils se croient droits, ils ne sont que raides. Ils se veulent fiers, ils sont seulement vaniteux. Ils se déguisent en guerriers mais n’ont su capturer qu’une jeune fille désarmée. »

Cette vision de la religion est évidemment intéressante dans le contexte des guerres de religion du XVIe siècle, mais elle ne manque pas d’une actualité brûlante, non ?

Le début de la deuxième partie, c’est le négatif de la première. On revisite, avec les yeux d’Ulysse, toute cette histoire. Et cela nous montre à quel point ce qu’une personne ressent reste souvent inaccessible aux autres. À quel point ce qui semble parfaitement raisonnable à quelqu’un peut être interprété de façon totalement différente par quelqu’un d’autre. Et cela arrive tellement souvent dans la vraie vie que cette leçon me semble très utile…

On voit Ulysse se débattre dans un véritable conflit de loyauté. Il respecte et admire son père, au début, il en attend juste de la reconnaissance. Mais, petit à petit, cette attente se mue en agressivité, en rage incontrôlable. Une colère dont le paroxysme est atteint à la mort de sa sœur, Phœbé, et qui le pousse à quitter les siens.

Et puis on va accompagner Ulysse dans sa propre évolution. Dans ses rapports avec son père, il va passer de l’admiration à l’agacement, à la colère, à l’opposition radicale, avant de commencer à comprendre…

Ce livre parle de la vie, de la mort, de l’amour. Bref, de ce qui compte réellement dans nos existences !

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