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Loup

Les discussions animées autour du retour du loup dans nos régions le montrent : la peur du loup est profondément ancrée en nous, et ne demande qu’à resurgir. Mais ce qui frappe le plus fortement, c’est qu’il est présent dans toutes les mythologies de tous les continents où il vivait.

On retrouve des représentations de loups, dès le paléolithique, comme c’est par exemple le cas dans la grotte de Font-de-Gaume (l’une des grottes situées sur la communes des Eyzies-de-Tayac-Sireuil). L’homme est encore loin de l’avoir domestiqué pour donner naissance à nos chiens, mais les deux espèces ont des interactions ; pourtant, ce sera le premier animal domestiqué, près de 5000 ans avec toute autre espèce.

Mais, dès l’origine, on peut percevoir une profonde ambivalence dans la façon dont nous – les humains – considérons le loup. Alors que l’homme est encore un chasseur-cueilleur, le loup est à la fois un véritable modèle, et un concurrent direct. Il est alors présenté comme un symbole de la puissance de la nature, qu’il détruise – il est alors représentatif de la cruauté la plus terrible – ou qu’il protège. Et il faut également distinguer le loup, synonyme de sauvagerie, et la louve, qui incarne souvent la fécondité, voire la débauche.

De la même façon, le fait que le loup soit capable de se repérer dans le noir est parfois interprété positivement – c’est par exemple le cas dans les mythologies nordiques ou grecques, où, symbole de lumière, il est un attribut de Belen ou d’Apollon -, ou, à l’inverse, très négativement – les animaux qui voient dans le noir sont souvent considérés comme diaboliques -.

Chez les gaulois, le loup est un des animaux liés à Taranis, dieu de l’orage et de la guerre ; cette fonction guerrière se retrouve largement, comme chez les peuples indiens de la Prairie, mais également en Chine, les premières dynasties chinoises et mongoles se réclamant du Loup bleu céleste, créature d’une grande force et valeureux au combat. Gengis Khan aurait d’ailleurs été l’un des descendants de ce loup bleu. Au Japon, le loup est parfois invoqué comme protecteur contre les autres animaux sauvages, que sa férocité tiendrait à distance. Ce même rapport à la force et au combat se retrouve, plus près de nous, en Turquie, où Mustapha Kemal (Atatürk), était surnommé Loup gris.

De la force à la violence, il n’y a souvent qu’un pas. Ainsi, dans la mythologie nordique, Odin est souvent représenté accompagné de deux loups, dont il semble contrôler la sauvagerie. Mais lorsque l’on ne peut maîtriser cette puissance, elle peut devenir destructrice, comme dans le cas de Fenrir, fils de Loki et d’une géante, appelé à être le Destructeur, exécuteur du destin.

Destructeur, ou dévorateur, le loup, par sa voracité, est aussi celui qui permet, dans certains cas, le passage. Passage du jour à la nuit, de la vie à la mort. On retrouve ce dessin dans la mythologie scandinave, avec un loup dévorateur d’astres. On peut y voir une fonction initiatrice (il faut être dévoré pour renaître plus « lumineux »), dont la psychologie et la psychanalyse s’est emparée. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, dans le Dictionnaire des symboles, signalent d’ailleurs que « Marie Bonaparte parle dans son auto-analyse [d’une gueule monstrueuse de loup], comme étant associée aux terreurs de son enfance. C’est également une figure de cet ordre que l’on peut retrouver dans certains contes, comme le Petit Chaperon Rouge (pour la version de Charles Perrault), ou dans Pierre et le loup.

Le loup, enfin, est parfois relié au royaume des morts, comme chez les Algonquins, mais également en Europe, où ce rôle apparait, par exemple, dans certains chants mortuaires (Jean Chevalier et Alain Gheerbrant le signalent dans un chant roumain). Ce schéma figure également dans les mythologies grecques et latines, avec la louve de Mormolycé, nourrice de l’Achéron, ou avec Hadès qui se vêt d’un manteau en peau de loup ; chez les Étrusques, le dieu de la mort a des oreilles de loup ; Osiris lui-même, dans les récits de Diodore de Sicile, ressuscite sous l’aspect d’un loup pour se venger.

La louve, pour sa part, est associée à la fécondité. En Anatolie, les femmes invoquent le loup pour faciliter la conception d’un enfant. Au Kamchatka, lors d’une fête qui se déroule en octobre, on fabrique un loup en paille que l’on conserve toute l’année pour favoriser les mariages.On peut également penser, naturellement, à la louve qui recueille Romulus et Rémus.

Mais, là aussi, on dévie parfois vers le côté sombre, la louve étant alors associée à la débauche, au désir sexuel. En latin, les prostituées sont appelées lupa, ce qui constitue la racine de lupanar.

Au moment du Moyen Âge, on voit s’opérer un véritable basculement. Là où, malgré sa férocité, on conservait tout de même souvent une forme d’admiration pour le loup – les peuples qui se considèrent et se nomment eux-mêmes « les loups » sont assez nombreux, comme les Daces, les Lucites, par exemple ; et de nombreux prénoms sont formés, chez les peuples germaniques, en intégrant la base ulf ou wulf -. Au Moyen Âge, donc, puis à l’époque moderne, l’image du loup devient terrible. Ce n’est probablement pas par hasard que c’est à cette époque que sont écrits de nombreux contes, dont le Petit Chaperon Rouge déjà cité, et que l’on voit fleurir des histoires comme celle de la Bête du Gévaudan. Dans une émission sur France Culture, Michel Pastoureau insiste d’ailleurs sur le fait que, au delà des faits encore non expliqués par manque de sources historiques fiables, le phénomène le plus marquant lié à cette histoire est son aspect « médiatique » : une attaque qui se déroulait un après-midi était connue de toute l’Europe dès le lendemain, une rapidité absolument stupéfiante pour l’époque !

Et, naturellement, on ne parle même pas, ici, de l’autre mythe proche, celui du loup-garou, qui méritera sans doute un article à part.

Une dernière remarque avant de passer à nos lectures : le loup est, encore aujourd’hui, un sujet d’études scientifiques. On en veut pour preuve le fait que, pour ces 15 dernières années, en éliminant les thèses de littérature et celles qui traitent du pastoralisme (et donc des enjeux actuels liés au retour du loup), on peut trouver plusieurs thèses consacrées à cet animal, dans des optiques diverses. On citera pour mémoire les travaux de Laurent Neault (école vétérinaire), réalisant une étude comparative biologique et comportementale sur les chiens et les loups ; Angélique Cangini devrait soutenir prochainement une thèse en sociologie sur l’image du loup, mangeur d’homme ; Julie Trevily, enfin, a consacré une thèse d’histoire au loup-garou dans l’histoire, entre science et mythe.

Le loup dans nos lectures

Nous n’allons pas passer en revue tous les contes dans lesquels apparait un loup, chacun de nous les connait, les plus connus étant le Petit chaperon rouge, Les trois petits cochons, Le loup et les sept chevreaux

Jean de la Fontaine en a fait un personnage récurrent de ses fables, puisqu’il en figure un dans 14 fables. Mais le rôle qui lui est attribué n’est pas univoque. Cruel mais parfois naïf, il est parfois manipulateur, parfois manipulé par plus malin que lui. Égoïste, il peut être de mauvaise foi, obstiné, mais aussi épris d’une liberté qui n’est pas toujours bien portée.

Naturellement, on doit citer deux autre contes : La chèvre de Monsieur Seguin, d’Alphonse Daudet, et, surtout, Pierre et le loup, le conte musical de Prokofiev, que nombre des plus grands acteurs et chanteurs français ont enregistré (Gérard Philippe, Fernandel, Jean Nohain, Jacques Brel, Jacques Higelin, Charles Aznavour, Jean Rochefort, François Morel, pour n’en citer que quelques uns… et même David Bowie !).

Dans Croc-Blanc, de Jack London, le le loup incarne la liberté, et, au-delà, une critique de la servitude, de l’esclavage.

Dans Le Livre de la jungle, de Rudyard Kipling, Mowgli est recueilli et élevé par des loups. On retrouve là la figure de la louve protectrice et maternelle. Il faut noter que Kipling s’est a priori inspiré des histoires d’enfants sauvages qui avaient, notamment été observés en Inde.

Le loup est l’emblème de la Maison Stark, dans Game of Thrones.  Au début de l’histoire, les enfants d’Eddard Stark trouvent six louveteaux : Vent gris est adopté par Robb, Lady revient à Sansa, Nymeria est choisie par Arya, Été par Bran, Broussaille est choisi par Rickon, le petit mâle albinos, Fantôme étant trouvé un peu à l’écart par Jon. Au fur et à mesure que les Stark sont décimés et séparés, les loups subissent le même sort…

Il ne faudrait pas oublier la Moïra, d’Henri Loevenbruck, et sa suite, Gallica, dans lesquels les loups ont une large place. Dans la Moïra, on suit l’histoire d’Aléa, une jeune orpheline que son don va amener au cœur des luttes politiques et religieuses de son monde. Dans Gallica, c’est l’histoire du fils d’Aléa que l’on va suivre.

Laetitia Bourgeois, dans Les deniers du Gévaudan, premier épisode de la série mettant en scène le sergent Barthélémy, met également en scène des loups. L’histoire se déroule en 1363, dans les Cévennes, et un collecteur d’impôts disparait…

Dans la série des Chroniques des temps obscurs, Michelle Paver nous invite à suivre Torak, un jeune garçon capable de parler aux loups. Une chronique présente en détail le tome 1 de cette chouette série…

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