« Elle esquisse alors un pas dans sa direction. Tout à coup, Whisper devient le miroir de Mika : lui aussi fait un pas en avant. Lentement, un pas après l’autre, ils finissent par se rencontrer.Et, quand Whisper donne un petit coup de nez contre la main de Mika, elle lui flatte l’encolure, un grand sourire aux lèvres. »
Carola Wimmer, Whisper – T. 1 Libres comme le vent, Castelmore, 2018, p. 74.
Motivations initiales
Reçu dans le cadre d’une Masse critique de Babelio, ce premier tome d’une série pour enfants/adolescents annonce la couleur dès la couverture : il va être question de la relation entre une jeune fille, Mika, et un cheval, Whisper. De quoi rappeler aux plus de 20 ans L’Étalon noir (et Flamme), de Walter Farley, ou Mon amie Flicka, de Mary O’Hara…
Synopsis
Mika et son amie Fanny sont en cinquième. Mika, dont les deux parents sont de brillants physiciens, n’accroche pas, mais alors pas du tout, à l’école. Et ce qui devait se produire finit par arriver : son redoublement est décidé. Par un enchaînement de circonstances, la situation s’envenime même, donnant l’impression qu’elle a voulu mettre le feu à la voiture – neuve – de son professeur principal. Tout cela, Mika le vit comme tout le reste de son existence, avec un sentiment d’échec permanent, l’impression qu’elle n’est pas à la hauteur.
Bref, tout se conjugue pour que ses parents prennent une décision extraordinaire : alors qu’elle devait partir en vacances avec Fanny, la voilà envoyée chez sa grand-mère dont elle ne connaissait même pas l’existence. Maria Kaltenbach, qui tient un haras, est une ancienne championne olympique d’équitation, qu’un accident de cheval a privée de sa carrière. Et, avec elle, tout doit filer droit.
Ce séjour, qui s’annonce comme l’enfer sur terre pour la jeune citadine, peut-il être autre chose que l’affreuse sanction qu’il est censé être ? La rencontre avec Whisper, un étalon indompté, celui-là même qui a brisé la carrière de cavalière de sa grand-mère, pourrait bien ouvrir de nouvelles perspectives à Mika…
Avis
> L’avis de T
Bon, il est toujours difficile d’avoir un avis sur un livre pour enfants/adolescents quand on ne l’est plus. Le risque est toujours celui d’une certaine… condescendance. Je vais essayer d’éviter cet écueil, même si, naturellement, l’idée qu’une partie de l’histoire est assez simplistes transparaîtra forcément dans cette chronique. Je vais donc commencer par évacuer cette aspect une bonne fois pour toutes, afin de ne pas avoir à y revenir par la suite. Ainsi, on se retrouve en présence d’une jeune fille qui n’a visiblement jamais vu un cheval en vrai de sa vie avant d’arriver dans ce haras, et qui va, en 15 jours à peine devenir, sinon une cavalière émérite, du moins capable de participer à un concours de saut d’obstacles. De plus, on retrouve une série de stéréotypes : Mika, la jeune citadine accro à son portable, arrive à la campagne avec cette sorte de dédain de la princesse qui arrive chez les bouseux ; Maria, la grand-mère, est la sévérité faite femme ; M. Kaan, le vieil entraîneur mis sur la touche, est tout de bienveillance et d’empathie ; Sam, son petit-fils et apprenti palefrenier, est en quasi-pâmoison devant Mika. Le scénario lui-même n’échappe pas à quelques facilités : comme dans Mon amie Flicka, pourquoi faut-il que les chevaux soient présentés comme l’apanage des cancres (comme si la compréhension de la Nature était un échappatoire logique pour ceux qui ne se plaisent pas à l’école) ?
Pourtant, au-delà de ces petits défauts, il faut bien le dire : les personnages sont plutôt attachants. Même si Mika à un petit côté hautain au démarrage, elle va être capable d’évoluer, de s’ouvrir à la différence, et, surtout, aux autres. Et, surtout, on découvre rapidement que son côté rebelle dissimule en réalité ce sentiment terrible de n’être jamais bonne à rien. Et c’est ce qui me semble le plus appréciable dans cette série qui, sinon, ne serait que gentillette : elle traite, de façon abordable et fluide de grandes questions qui hantent les cours d’école. À quoi je sers ? Est-ce que je déçois mes parents ?
Dans le même ordre d’idée, le personnage de la grand-mère, Maria, est également riche. Elle semble avoir connu le succès ultime, avec un titre de championne olympique. Pourtant, il semble que le haras ne se porte pas si bien. Et, surtout, elle connait le doute, l’abandon, la trahison, même si elle ne se départit pas de son rôle de chef. Elle est touchante, malgré son apparente dureté, parce que l’on sent bien qu’elle masque en réalité une fragilité qu’elle sait ne pas pouvoir se permettre. Et, là aussi, message qui peut sembler basique mais n’en est pas moins important : le succès a parfois un prix lourd à payer.
M. Kaan, le vieil entraîneur mystérieux – lui aussi, on le voit bien, masque, dans sa vieille caravane, un secret -, est le prototype de l’entraîneur de rêve. Son empathie, sa bienveillance, son ouverture aux autres sont remarquables. On croirait un vieux sage indien, qui a tout compris. Pourtant – et c’est là aussi sa fêlure -, on va le découvrir lui aussi aux prises avec la jalousie. Bref, un personnage bien humain, pris entre différentes tensions. Ce ne sont, on le voit, pas les personnages caricaturaux et simplistes que l’on aurait pu craindre : chacun à des failles, des difficultés à surmonter, qui en font des personnages riches.
Si ce n’est pas, vous l’aurez compris, le type de livre vers lequel j’irais naturellement, la lecture en reste plutôt agréable. Et j’ai été plutôt agréablement surpris par le fait que l’on est nettement moins superficiel que l’on aurait pu le craindre. Alors, puisque l’envoi comportait en réalité les deux premiers tomes de la série, je vais enchaîner !