Chronique de L’Éthique des hackers, de Steven Levy.
« J’ai rencontré beaucoup de ces explorateurs […] ils partagent tous une même philosophie, une idée simple et élégante comme la logique qui gouverne l’informatique : l’ouverture, le partage, le refus de l’autorité, et la nécessité d’agir par soi-même, quoi qu’il en coûte, pour changer le monde. C’est ce que j’appelle l’Éthique des hackers. »
Steven Levy, L’Éthique des hackers, Globe Éditeur, 2013, p. 7.
Motivations initiales
Il s’agit d’un incontournable de la culture informatique abordant de manière exhaustive le sujet hacker. Dans ce livre originellement publié en 1984 sous le titre Hackers: Heroes of the Computer Revolution, Steven Levy est l’un des premiers à avoir décrypté et théorisé l’éthique hacker.
Synopsis
Steven Levy propose une immersion historique et chronologique dans le monde des hackers, de la genèse à la dissémination globale. Son analyse démarre en 1950 pour se terminer dans les années 1980. La version réactualisée de 2013 intègre une postface traitant des années 2010 avec une ouverture prospective. Pour lui il existe une philosophie commune entre les pionniers des années 1950 et les générations suivantes. Cette philosophie privilégierait des valeurs de partage, d’ouverture, de décentralisation et d’expérimentation, afin d’améliorer le monde.
Ce travail fondateur a ouvert la voie. Des définitions complémentaires et ultérieures renforcent cette approche. Éric Raymond, en 1975, définit l’éthique hacker comme une « croyance » selon laquelle le partage de l’information est une aptitude positive et puissante, et que c’est un devoir éthique, pour les hackers, de partager leur expertise librement et l’accès aux technologies numériques. Les sept valeurs définissant l’éthique hackers seraient, selon Raymond : la passion, la liberté, la motivation, l’argent – qui ne serait précisément pas une valeur -, l’activité, l’attention du regard, la créativité.
Cela va encore plus loin avec Pekka Himanen, qui dans son ouvrage L’éthique hacker et l’esprit de l’ère de l’information de 2001, définit l’éthique hacker comme la forme émergente du numérique pouvant remplacer les valeurs actuelles du capitalisme, en référence à l’analyse de Steven Levy.
Avis
> L’avis de G
Steven Levy, en tant qu’expert informatique, nous présente ici une véritable enquête nourrie d’interviews, de documents historiques, d’anecdotes, de vérités et de mensonges décrivant finement et objectivement le monde des hackers. Cette immersion nous donne toutes les clés de compréhension historique des innovations successives du numérique. Par qui et pourquoi elles ont été faites, et comment elles sont récupérées par des approches commerciales posant des jalons invariants de l’univers digital que nous consommons quotidiennement.
On est donc très loin des habituels stéréotypes négatifs qui font du hacker au mieux un simple d’esprit, un innocent qui ne se rend pas compte de ses actes, au pire un terroriste. L’approche permet également de désenchanter le storytelling des fondateurs de grands services numériques, qui ne sont que quelques exemples « d’exploitants industriels » de la démarche d’innovation hacker de nombreux anonymes qui les ont précédés. Rappelons-le, l’intégralité des services et matériels informatiques actuels et futurs n’existerait tout simplement pas sans ces personnes – et leur philosophie – qui vont chercher des potentialités là où les règles et la pensée commune ne s’aventurent pas.
Un livre que tout bon technophile se doit de découvrir et de garder dans sa bibliothèque. À lire, à relire, et surtout à partager.