Roman noir

Chiens des Ozarks

Chronique de Chiens des Ozarks, de Eli Cranor.

« Par le passé, Bunn avait essayé de se tenir à carreau, quand les garçons étaient petits. Il avait un boulot honnête à la centrale nucléaire, il colmatait les fuites sur les conduits, réparait les rivets de la vieille tour de refroidissement. Tout avait changé quand Nuclear One avait fermé ses portes et l’usine de poulets avait ouverts les siennes. Bunn avait perdu son emploi et les Mexicains avaient déferlé sur Taggard. Un afflux tel qu’il avait inspiré à Bunn l’idée de créer sa propre section locale du KKK. »

Eli Cranor, Chiens des Ozarks, Sonatine Éditions, 2025, p. 106.

Motivations initiales

Une cover qui claque, une quatrième de couv’ qui donne envie : il n’en fallait pas davantage pour que ce livre rejoigne la PAL, pour en ressortir tout aussi rapidement. Qu’avait-il dans le ventre, ce livre, dont l’action est située dans les monts Ozarks, l’une de ces régions suffisamment reculées des États-Unis pour que l’on y parle de légendes…

Synopsis

Les Monts Ozarks sont une chaîne de montagnes en Arkansas. Région accidentée, voire reculée, elle est entourée d’une sorte de mystère, entre dureté de la nature et rudesse de la population.

Jeremiah Firzjurls, ancien tireur d’élite de l’armée américaine, passé par le Vietnam – une expérience traumatique qui traîne encore dans sa tête et qu’il tente de faire taire à coup d’alcool – élève seul sa petite-fille, Joanna, depuis la mort de sa femme, dont il ne s’est pas remis, et depuis que son fils, le père de la fillette, est en prison. Il tient une casse automobile, possède un arsenal chez lui – il a même offert à sa petite-fille un pistolet rose, et lui a appris à s’en servir – et l’essentiel de ses relations sociales sont avec ses chiens, presque sauvages…

Depuis longtemps, il est en conflit avec la famille Ledford, dont le grand-père trafiquait l’alcool sous la Prohibition, avant de prendre le virage du deal de methemphétamine. Et, pour faire bonne mesure, suprématistes blancs, ils fricotent régulièrement avec le Ku Klux Klan. C’est parce qu’il a tué un des fils Ledford en lui tirant dans le dos que le fils de Jeremiah et le père de Joanna est en prison.

Inexorablement, on se dirige vers le drame…

Avis

Au début de ce livre, on se dit que, probablement, on va avoir sous les yeux le spectacle de la violence, rendue aveugle par l’alcool, la colère, les vieilles rancœurs, les mauvais souvenirs. Et, en effet, c’est une lecture du livre, c’est une des dimensions de cette histoire.

Mais l’auteur, Eli Cranor, a l’intelligence d’emmener ce récit bien plus loin. Et, autant le dire immédiatement, c’est une très belle réussite ! Car, certes, il y a beaucoup de brutalité. Mais, surtout, il ajoute à ce roman une composante bien plus forte, et bien plus original. Ce livre, en effet, nous montre que l’amour, quand il est mal dit, mal compris, mal exprimé, peut s’avérer meurtrier.

Jeremiah, qui ressasse encore ses – mauvais – souvenirs du Vietnam, a perdu sa femme et ne s’en est pas remis. Joanna, dont le père est incarcéré, n’a jamais connu sa mère. Celle-ci, on va le découvrir, est une pauvre fille de la région, qui a eu le malheur d’être trop jolie et qui, tombée dans la drogue – celle distribuée par les Ledford – est devenue l’enjeu d’une lutte entre le fils de Jeremiah et celui de Bunn Ledford. Mona, la sherif, qui semble avoir un faible pour Jeremiah, porte encore la réputation de son père, qui l’a précédée à ce poste… et à qui Jeremiah reproche d’avoir laissé condamner son fils…

Il ne faut pas tout dire, afin de laisser ceux d’entre vous qui liront ce livre découvrir toutes les sinuosités de cette histoire tortueuse. Mais c’est très efficace, on passe d’un sentiment à un autre. Pratiquement tous les personnages ont cette part d’humanité qui fait qu’ils restent compréhensibles, même dans leurs erreurs, dans leurs errements.

Alors, il n’y a qu’une option : si vous aimez les romans noirs, et que vous n’avez pas peur de plonger dans les replis les plus sombres de l’âme humaine, c’est « direction la librairie ». Et, pour ma part, je vais surveiller si son premier roman, Don’t Know Tough, est finalement publié en France (cela ne semble pas être le cas pour le moment, mais si vous avez des infos, n’hésitez pas !), ou si son troisième, Broiler, paru en 2024 aux États-Unis est édité par chez nous…

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site lisez.com.

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