Chronique de Passage de l’Avenir, 1934, de Alexandre Courban.
« Cela a commencé avec celles qui venaient de Saint-Ouen. Elles partaient de chez elles à quatre heures du matin. Elles arrivaient place d’Italie à six heures moins cinq et venaient à fond de train pour arriver à six heures, parce que si elles n’étaient pas là à six heures, si six heures étaient finies de sonner, elles avaient la retenue d’une demi-heure de salaire. On a demandé qu’elles viennent à six heures cinq : le patron, il a jamais voulu. Alors le chef, il proposait parfois à certaines… de s’arranger avec lui. »
Alexandre Courban, Passage de l’Avenir, 1934, Folio policier, 2025, p. 89.
Motivations initiales
Impossible de ne pas céder à l’engouement de mon libraire face à ce livre… Il arrive toujours à me faire craquer et repartir avec des livres sous le bras !
Synopsis
Paris, hiver 1934.
La Seine recrache un corps sans nom. Une femme noyée, anonyme, vite oubliée… sauf pour Gabriel Funel, journaliste à L’Humanité, qui flaire derrière ce fait divers une histoire bien plus trouble. Ce qu’il découvre, avec l’aide d’un commissaire au passé obscur, dépasse la simple enquête : un entrelacs d’intérêts industriels, de tensions politiques, de silences complices, et de vies brisées dans l’ombre de l’Histoire officielle.
À mesure que l’affaire avance, les contours d’un pays fracturé se dessinent : la France d’avant le Front populaire, tiraillée entre espoir de révolte et menace fasciste. Les luttes ouvrières grondent, les femmes résistent à huis clos, et ceux qu’on n’écoute jamais tentent de faire entendre leur voix — parfois au prix du sang.
Avis
Lire Passage de l’Avenir, 1934, c’est accepter d’embarquer dans une machine à remonter le temps qui sent la suie, le vieux papier, les pavés humides et la colère ouvrière. Ce roman d’Alexandre Courban ne se contente pas de nous relater une enquête : il nous propulse dans une France bouillonnante, celle de l’entre-deux-guerres, dans laquelle les tensions politiques, sociales et économiques sont à leur comble.
C’est qui est particulièrement appréciable, c’est ce double mouvement parfaitement maîtrisé : l’enquête avance, pas à pas, comme dans tout bon polar, mais en parallèle, l’Histoire se raconte elle aussi. Pas l’Histoire avec un grand H, figée et scolaire — non. Celle qui palpite dans les ruelles, dans les luttes syndicales, dans les discours de bistrot, dans les regards fatigués de ceux qui n’ont jamais eu la parole.
Alexandre Courban ne cherche pas à en mettre plein la vue. Il écrit juste, avec sobriété, presque avec modestie. Mais cette retenue est puissante. Elle donne de l’espace aux personnages, à leurs contradictions, à leurs silences. L’émotion est là, tapie entre les lignes, et elle surgit sans prévenir.
Ce n’est pas un roman qui hurle. C’est un roman qui creuse, lentement, sûrement, profondément. Et une fois qu’il a trouvé la faille, il ne te lâche plus. On sent que ce n’est que le début. Que ces personnages vont revenir, évoluer, vieillir peut-être. Et moi, clairement, je signerai pour la suite. Parce que j’ai aimé cette manière de raconter une époque à hauteur d’hommes et de femmes, de mêler fiction et mémoire, suspense et transmission.
Entre roman noir et fresque historique, ce premier tome d’une série prometteuse dévoile un Paris en crise, dans lequel l’enquête devient prétexte à exhumer les vérités enterrées par le pouvoir… et les consciences…
Pour en savoir plus
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