« Le centre-ville, envahi, offre un spectacle grotesque. Certains déambulent par deux ou trois, parfois main dans la main comme des amants, ils avancent d’un pas lourd et lent, la poitrine couverte de sang séché, et trébuchent sur les vestiges osseux de cadavres déjà consommés. Leurs gestes sont dénués de sens, mais ils semblent prêter l’oreille, avec un instinct primitif, à leur vie antérieure. »
Alden Bell, Les faucheurs sont des anges, Folio SF, 2013, p. 95.
Motivations initiales
Une bonne histoire de zombies, de temps en temps, pour rire…
Synopsis
Temple a quinze ans. Elle n’a jamais connu le monde que depuis que les morts ont commencé à se relever. Après s’être sauvée de l’orphelinat où elle vivait – elle ne sait rien de ses parents -, elle a erré, seule, dans ce qu’il reste des États-Unis. Ceux qu’elle appelle les limaces, ou les sacs à viande, elle a appris à les combattre, et sa machette gurkha, à la lame courbe, est sa plus fidèle amie.
Au début du livre, elle a trouvé refuge depuis quelques mois dans un phare, sur une petite île, mais, avec les marées, celui-ci ne sera bientôt plus protégé. Elle doit donc reprendre sa route.
Commence alors une sorte de road-movie à la sauce zombie, à l’occasion duquel elle va croiser plusieurs communautés humaines ; dans la première, elle a maille à partir avec un homme, célibataire, qui en veut à sa vertu, et qu’elle tue, avant de s’enfuir. Le frère de ce dernier, Moïse Todd, se met alors sur sa piste, pour venger son sang…
Avis
> L’avis de C
Je ne suis peut être pas le bon public pour ce genre d’histoire. Autant en série, ça passe bien (Walking Dead, évidemment), autant je reste souvent sur ma faim avec ce genre de livres : peut être n’ai-je pas assez d’imagination pour visualiser ces univers post-apocalyptiques ?
En tout cas, de ce point de vue, ce livre ne fait pas exception. Une lecture qui n’est pas désagréable, mais sans plus. Ni emballement, ni rejet. Surtout de l’indifférence…
Bref, cela peut sembler dur, mais, pour moi, insipide, inodore et sans saveur…
> L’avis de T
Une fois n’est pas coutume, il faut lire ce livre, non pas pour l’histoire qu’il raconte, mais pour la réflexion à laquelle il invite. Car, sincèrement, l’histoire est un peu cousue de fil blanc, et relativement peu originale. Comme dans Walking Dead, pour celles et ceux qui ont vu la série ou lu la série, les morts, un beau jour, se relèvent, et errent, à la recherche d’humains à dévorer. Pourquoi ? On ne le saura pas, et cela a en fait peu d’importance.
Au fil des pages, un certain nombre d’invraisemblances s’accumulent : Temple, quinze ans, sait conduire et, visiblement, cela ne date pas d’hier, mais on ne sait pas trop comment. Elle trouve relativement aisément des voitures qui ont suffisamment d’essence pour aller où elle le souhaite ; en faisant quelques stations-service, elle parvient visiblement toujours à faire le plein ; elle arrive à se fournir des paquets de ses biscuits préférés… Bref, le monde est décrit comme totalement à l’arrêt sur tout, sauf pour ce qui est de la production des consommables dont elle a l’usage…
Autre licence prise par l’auteur, parce que ce n’était visiblement pas son sujet : toutes les communautés, ici, sont accueillantes. Alors que, dans ce genre de situations, les autres films et livres décrivent un repli sur soi et la montée d’une méfiance, voire d’un égoïsme forcené, ici, on a l’impression d’une grande bienveillance. On voudrait y croire, mais on est en droit de douter…
De la même façon, le roman est très américain : l’auteur ne peut pas s’empêcher, semble-t-il, de voir la main de Dieu partout. Çà, pour le coup, c’est un peu agaçant, mais on peut faire avec.
Mais le véritable intérêt de ce livre est ailleurs. Il faut attendre un tout petit peu, très exactement 55 pages, pour que Temple et Moïse commencent à se parler. En fait, ce livre retrace l’affrontement entre ces deux personnages qui auraient pu s’entendre, mais se divisent sur un point d’honneur. Ils ne sont ni bons, ni réellement méchants. Ils sont violents, individualistes, mais droits. Sans spoiler la fin, ils veulent bien s’entretuer, mais cela ne les empêche pas d’avoir de l’estime l’un pour l’autre.
L’opposition est totale entre la jeune fille de quinze ans, et celui qu’elle décrit un peu comme un ours, plus âgé. Finalement, c’est le défi de faire mieux que l’autre qui les anime. Moi, cela m’a fait penser, d’une certaine façon, à ces grandes oppositions mythiques que l’on a dans Les misérables, entre un Javert et JeanValjean, ou, plus proche de nous, à la traque de Harrison Ford par Tommy Lee Jones, dans Le Fugitif !
Ce livre dit aussi quelque chose sur le hasard. Temple et Moïse, dans d’autres circonstances, auraient pu s’apprécier, s’aimer, même, peut être, en tout cas s’épauler. Mais ils s’affrontent parce que leur rencontre, son timing, ses circonstances en ont décidé ainsi. La question est même effleurée : Temple pourrait même être la fille de Moïse, mais aucune réponse n’est donnée. Encore une fois, parce que ce n’est pas cela qui compte.
Au final, donc, malgré ses défauts et bien que l’histoire soit parfois assez peu crédible, je recommande ce livre pour ce qu’il dit de nous, de l’humain, du sens de l’honneur, et de ce que cela veut dire de respecter un système de valeur. Et ce n’est pas, me semble-t-il, une question dispensable…
J’ai du mal avec les zombies… à l’écran ou en littérature, je trouve que tout a déjà été dit…
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