« Je pense que le roman est plus simple pour toucher et éclairer les gens sur un drame de notre passé plutôt qu’un article scientifique »
Ariane Bois
Hier soir, l’un de nous deux était – encore – en virée ! Oui, on sait ce que vous vous dites, chez Ô Grimoire, on est de plus en plus actifs et vous n’avez pas tort ! On essaye de nouvelles choses, de nouveaux formats mais avec toujours une règle d’or : ne pas choper le melon & toujours donner un avis objectif !
Bref, nous avions rendez-vous rue de Malte à Paris dans les chouettes locaux de Babelio pour rencontrer Ariane Bois, qui présentait son septième roman, paru aux Éditions Belfond, L’île aux enfants.
Journaliste et romancière, Ariane Bois s’intéresse particulièrement au devoir de mémoire et à la transmission. En effet, elle est enfant d’une mère juive cachée pendant la Seconde Guerre mondiale, ce passé si douloureux se ressent dans ses livres et dans ses paroles. Dans L’île aux enfants, Ariane Bois s’est intéressée à ce scandale d’état, l’enlèvement – méconnu par nombre d’entre nous – d’au moins deux mille enfants réunionnais entre 1963 et 1982, dans le but de repeupler des départements sinistrés de la métropole. Elle a mené un véritable travail de journaliste mais également d’historienne, elle s’est frottée aux archives, aux dossiers de la DDASS et, ayant retrouvé la trace de cinquante enfants, elle a pu en interroger trente.
Elle nous apprend ainsi que les garçons ont plus souffert que les filles. De nombreux garçons ont été considérés comme des esclaves des temps modernes, dormant dans la niche du chien, dans l’étable ou dans la rue… Beaucoup ont été battus, ou abusés sexuellement – notamment dans les institutions religieuses… Pour les filles, le sort n’était guère mieux. À l’inverse, certains enfants sont tombés dans de « bonnes » familles, ont été aimés et considérés comme des enfants « naturels »… Mais ces enfants ont tous un point commun, on ne leur a jamais dit qu’ils avaient été adoptés, le silence était la règle d’or. Et lorsqu’ils ont réussi à commencer l’assemblage de leur histoire, c’est parce qu’ils ont entendu une bride de conversation indiquant qu’ils étaient adoptés.
Comment se construire suite à ce déracinement ? Que faire une fois adulte, rester en France ou retourner à La Réunion ? Beaucoup d’enfants sont restés en France car retourner dans leur pays était trop éprouvant moralement et surtout ils étaient mal vus sur l’île… Et puis… un billet d’avion pour La Réunion coûte cher ! Donc ils ont tenté de se construire et d’avancer en France…
Ce qui est terrible dans cette histoire, c’est l’absence de réponse de l’État français. Comme pour la Guerre d’Algérie, ces enlèvements d’enfants à La Réunion vont mettre énormément de temps pour être reconnus par l’État français… Nous sommes loin d’avoir une histoire nationale apaisée…
Je remercie Babelio et les Éditions Belfond pour cette rencontre pleine d’humanité et très enrichissante !