Bandes dessinées, Biographies & autobiographies, Témoignages

Femme rebelle

Chronique de Femme rebelle – L’histoire de Margaret Sanger, par Peter Bagge.

« Notre société est divisée en trois groupes… Les riches, qui ont accès au contrôle des naissances et en font pleinement usage… Une vaste classe moyenne qui se bat pour une vie meilleure mais à qui on en refuse l’accès… Et enfin, les pauvres, avilis, et faibles d’esprit, qui ne peuvent ou ne veulent pas assumer la responsabilité de leurs actes, et qui dépendent de nous pour leur survie… »

Peter Bagge, Femme rebelle – L’histoire de Margaret Sanger, nada éditions, 2017, p. 65.

Motivations initiales

Une bande dessinée à la limite du roman graphique – ou l’inverse -, qui a fait un peu parler d’elle, à la fois pour ses qualités intrinsèques, et, naturellement, pour le sujet qu’elle aborde, et qui nous a été recommandée lors d’une soirée dans une librairie parisienne. Suffisant pour rejoindre la PAL de Ô Grimoire !

Synopsis

Peter Bagge, dessinateur américain humoristique, « sous-estimé » d’après la présentation qui est faite de lui dans le livre, s’est emparé du destin de Margaret Sanger, militante du contrôle des naissances et du féminisme.

Il nous la présente dans toute sa complexité, militante infatigable et intransigeante, femme complexe, dont l’altruisme télescope parfois l’égoïsme, avec des discours qui, aujourd’hui, peuvent paraître terriblement décalés…

Avis

Que faut-il penser de cet objet ? Déjà, le mot objet n’est pas choisi par hasard, parce que l’on hésite à parler de bande dessinée, que roman graphique ne s’applique pas davantage… Alors de quoi parle-t-on ?

C’est, en quelque sorte, une biographie en images. Dont l’auteur revendique d’avoir dû faire des choix. Qui est présenté comme un très sérieux travail journalistique, mais pas comme celui d’un(e) historien(ne).

Pour ma part, je n’avais jamais entendu parler de Margaret Sanger. Mais il n’y a ici rien d’étonnant, je le crains : quand l’histoire de l’esclavage est largement survolée dans les programme scolaire, l’histoire du féminisme et des conquêtes féminine est encore à faire, ou, du moins, à faire entrer dans les livres d’école. Et à l’étranger, qui plus est… Sauf a être un(e) militant(e), on connait essentiellement les noms de Lucien Neuwirth et de Simone Veil, on a entendu parler du « manifeste des 343 salopes », mais c’est à peu près tout. Bref, une vision franco-française de la question.

Alors, naturellement, il est passionnant de découvrir comment cette femme a pris à bras le corps ce problème dans une Amérique qui, finalement, ne semble pas avoir tant changé que cela – ou avoir beaucoup régressé ? -.

Et, en même temps, l’auteur n’hésite pas à dézinguer la statue… mais sans être dupe de la part de manipulation qu’il peut y avoir dans tout cela. Les faits sont là : Margaret Sanger est intervenue devant le Ku Klux Klan ; elle a, dans ses discours, employé des formules que plus personne n’oserait employer aujourd’hui – on se reportera, à ce sujet, à la citation qui ouvre cette chronique… -. Mais ses opposants – et notamment l’église catholique – ont également fait en sorte de sur-exposer ces faits pour la décrédibiliser. Elle a été de son époque, durant laquelle on parlait de nègres, durant laquelle les pauvres étaient d’abord considérés comme des faibles d’esprit.

On peut évidemment regretter qu’elle n’ait pas eu la fulgurance d’éviter cela. Mais nul n’est parfait, et il est toujours aisé de critiquer ceux qui agissent alors que nous restons dans le confort et la quiétude de notre inutilité… Toujours est-il que, avec ses défauts, avec ses manquements, avec ses insuffisances, Margaret Sanger a fait avancer l’humanité. En se trompant, en s’aveuglant sur la capacité de l’être humain à retourner en arrière, elle a osé. Et rien que cela est remarquable.

Cette femme est dure, intransigeante : il suffit de voir comment elle impose à son futur mari sa vision de l’amour libre – « résidences séparées, […] et je peux coucher avec d’autres hommes, si je veux et quand je veux » -, et à ses amants leur place respective – elle n’hésite pas à dire à H. G. Wells qu’il n’est pas le seul, et qu’il reste éminemment remplaçable… -.

Parmi les moments épiques, celui où Rockfeller, visiblement sur l’injonction de sa femme, vient visiter le centre mis en place, qu’il va soutenir de ses dollars, mais en exigeant de ne pas être cité, et qui demande, comme un petit garçon honteux, s’il n’y a pas une porte de derrière, comme s’il risquait d’être surpris à a sortie d’un sex-shop… Cette scène-là, en quelque sorte, résume tout de l’époque !

Ensuite, je ne peux pas ne pas signaler que c’est exactement le style de dessin que j’exècre. Sincèrement, jamais je n’aurais de moi-même acheté ce livre. Mais qu’importe ? Pour toutes celles et ceux qui prétendent se préoccuper de la place de la femme dans nos sociétés, c’est une lecture obligatoire. Et pour toutes et tous les autres, c’est une lecture fortement recommandée…

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