Roman

Quand Dieu boxait en amateur

Chronique de Quand Dieu boxait en amateur, de Guy Boley.

« Une locomotive siffle et ils comprennent tous deux, dans la langoureuse monotonie de ses trilles, que le vent a tourné et que le temps va se mettre au flocon. Déjà, par la fenêtre, la brume se violace et les bruits du dépôt, au loin, doucement cotonnent. La nuit porte dans ses nuages de petits bonshommes de neige qui ne demandent qu’à choir. »

Guy Boley, Quand Dieu boxait en amateur, Collection Folio, 2020, p. 88.

Motivations initiales

Parfois, ce qui vous attire l’œil sur un livre, chez votre libraire, c’est une photo, une couleur, parfois vous le retournez machinalement et soudain le résumé vous fait tilt. Mais ici, il a suffi du titre. Quand Dieu boxait en amateur : j’étais déjà obligé d’emmener ce livre avec moi…

Synopsis

À Besançon, un vieil homme meurt à l’hôpital. Tombé de son lit, on l’a retrouvé à plat ventre, la joue sur le carrelage. Cet homme, c’est René. Son fils – qui pourrait être, et qui probablement est Guy Boley, l’auteur – nous raconte alors son histoire : forgeron, boxeur amateur devenu champion de France, amateur d’opérette, acteur à ses heures et passionné par les mots de la langue française, René, pour son fils, est un dieu. Et René n’est pas séparable de Pierre, son ami d’enfance, devenu le père abbé Delvault…

Avis

Ce petit livre (170 pages) est un petit bijou. Petit bijou d’écriture, d’abord, avec des images, une virtuosité dans la construction… Petit bijou d’histoire, aussi, avec ce fils qui raconte son père, qui explore, qui gratte, qui reconstruit, qui retrouve la magie de l’enfance.

Guy Boley, qui a été maçon, ouvrier, chanteur de rue, cracheur de feu, acrobate, saltimbanque, directeur de cirque, funambule à grande hauteur, machiniste, scénariste, chauffeur de bus, garde du corps, cascadeur puis dramaturge de compagnies de danse et de théâtre, fait revivre sous nos yeux son père, lui même personnage hors du commun, couronné par un titre de champion de France de boxe amateur. Il faut aussi revivre la ville de Besançon des années 30 jusqu’au tournant des années 2000 – l’essentiel de l’histoire se déroulant dans les années 50 et 60 – avec une maestria incroyable. La forge du père, proche du dépôt de la SNCF, et ses locomotives à vapeur qui parsèment le paysage de suie en même temps que d’une poésie surannée.

René et son ami Pierre forme une équipe comme on n’est plus sûr qu’il puisse en exister. Amis d’enfance, ils ont tout partagé, et, une fois grandis, la foi de l’un et l’areligion de l’autre peuvent encore cohabiter et s’entendre. Rien que cela fait du bien, dans notre société où les communautés, fussent-elles Bookstagrammeuses ou Booktubeuses vivent davantage de l’exclusion que de l’inclusion… mais je m’emporte…

Et puis on retrouve la société des années 60, avec une mère qui ne veut pas que son fils lise, qui le met à la boxe pour en faire un « homme », avec un curé qui voit le mal partout, avec des « taiseux » et une grand-mère rude.

Rafraîchissant, ce livre l’est, mais ce n’est pas une bluette en mode « easy reading ». Car les mots sont travaillés jusqu’à l’os y compris pour décrire les sentiments les plus brutaux, les situations les plus dures. Car le monde s’écroule, autour d’un petit cercueil, qui brise net une famille entière. L’auteur, alors, ne s’épargne pas lorsque, décrivant le père ayant sombré dans l’alcool, il se décrit lui-même comme cynique, méprisant, envers ce père qu’il avait porté au pinacle et qui est redescendu du piédestal. Ils ne partagent plus grand chose d’autre que des beuveries tristes…

Mais, heureusement, un mois à peine avant la disparition du père, ce père et ce fils sont parvenus à se retrouver. Car c’est en fait cela que raconte ce livre : une relation père-fils – et, plus largement, sans doute, même s’il y a sans doute des distinctions, d’une relation parent-enfant -, marquée par la relation du père à sa mère, notamment. Et, que l’on soit père, ou que l’on soit fils, ou que l’on soit les deux, bien que l’on n’ait naturellement pas vécu la même chose, on ne peut pas ne pas trouver dans ce livre des échos de nos propres interrogations, angoisses, cassures.

Je ne sors pas de ce livre en ayant l’impression de m’être pris un uppercut… mais en regrettant presque de ne pas avoir eu l’occasion d’enfiler les gants dans une salle comme celle qui nous est décrite, avec son ring « peu éclairé, sale et gris dans la froideur du gymnase que tente de chauffer un ridicule poêle à bois », dans cette salle où ne se trouvent que « quelques chaises vides, balais et serpillières, un ou deux punching-balls , des sacs de frappe au cuir troué, de vieux tapis de gym, des haltères, une grosse balance en fonte qui ressemble à une horloge comtoise ».

Un livre pour les pères, pour les fils, pour les amateurs de mots également…

2 réflexions au sujet de “Quand Dieu boxait en amateur”

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