Nouvelle

Le bruit du rêve contre la vitre

Chronique de Le bruit du rêve contre la vitre, d’Axel Sénéquier.

« Ce pauvre type intubé et qui respire grâce à une machine va mourir très prochainement. Il ne le sait pas encore, c’est malheureux. C’est à la fois moi et quelqu’un d’autre. Je devrais avoir mal, avoir peur, être triste. Je ne ressens rien de tout cela. »

Axel Sénéquier, Le bruit du rêve contre la vitre, Éditions Quadrature, 2021, p. 80.

Motivations initiales

Voilà quelques semaines, l’auteur, Axel Sénéquier, nous a contacté pour nous proposer de découvrir son recueil de nouvelles écrites durant l’un des confinements. Pandémie, Covid-19, télétravail, école à domicile sont au cœur de ces textes, comme autant d’instantanés de cette période littéralement extra-ordinaire. Curieux, nous avons accepté…

Synopsis

La première nouvelle met en scène un auteur, alors qu’il reçoit des lettres de refus des éditeurs. Confinement oblige, il n’y a guère que sa femme sur qui il puisse passer sa frustration… Puis on suit un musicien qui décide de se mettre au service de la société et de la Protection Civile, et se retrouve dans un EHPAD, à désinfecter, nettoyer, évacuer les cadavres… Dans la troisième nouvelle, le directeur financier d’une start-up (bon, oui, on dit CFO…) se retrouve à faire l’école à la maison pour ses trois enfants, et découvre qu’il n’a pas tout appris de la vie. On découvre ensuite un couple parisien qui fuit la capitale pour aller passer le confinement dans le village natal de madame. Puis on accompagne la prise de pouvoir d’une YouTubeuse – influenceuse sur un support de presse consacré à la mode, le nouveau monde à la conquête de l’ancien. On découvre également Titouan, fiscaliste chez Total et qui, pendant le confinement, redécouvre le métier qu’exerçait son père, celui de maître pipier. Puis, dans la nouvelle qui donne son nom au recueil, on accompagne un malade en réanimation, pour qui le pronostic est mauvais. Dans la septième nouvelle, la nature reprend ces droits alors que les humains sont confinés chez eux. Puis un homme prend anonymement la décision d’offrir des banderoles et les messages qu’elles portent dans son quartier. C’est ensuite une architecte que l’on découvre dans son travail, mais dont la vie est également marquée par l’accident de moto de son fils. Puis on suit Valentin, jeune homme qui a osé faire son coming-out et qui attend la réponse de son copain du moment, à qui il a proposé de se confiner ensemble. Enfin on suit un apéro Zoom, dont on découvre qu’il amplifie toutes les injonctions à la normalité que nous renvoie la société.

Le point commun entre tous ces personnages – même si c’est en même temps ce qui les sépare et les distingue – c’est que chacun réagit comme il le peut, « avec ce qu’il a », à cette situation inédite et inattendue.

Avis

Écrire un recueil de nouvelles est doublement compliqué. D’abord parce qu’écrire une nouvelle est, en soi, un exercice délicat, du fait de la contrainte principale attachée à ce type de texte : sa brièveté. Et, du point de vue du lectorat, l’un des critères qui permet de dire que c’est réussi, c’est quand on finit la lecture en se disant « j’en aurait bien repris 50 pages de plus », ce qui n’est pas sans être un peu paradoxal…

Et la seconde difficulté réside dans l’association des textes : il faut un fil conducteur, une idée ou un concept qui transcende l’ensemble – sinon, on ne fait pas recueil -, mais en évitant l’écueil de la répétition. Le lecteur ne veut pas lire 10 ou 12 fois la même histoire.

Ici, le double obstacle est globalement franchi. On explore divers aspects du confinement, chaque personnage dévoile une facette de sa personnalité. Certains textes m’ont semblé un peu plus faibles, pour l’un j’ai deviné la chute dès le départ, mais la lecture est plaisante, les idées souvent intéressantes, les coups de griffe à notre société de fou assez bien vues.

Non, s’il y avait un vrai reproche de fond à faire à l’auteur, ce serait que l’on ressort de ce recueil en se disant qu’il est peut-être un petit peu trop optimiste.

– ATTENTION SPOILER – ATTENTION SPOILER – ATTENTION SPOILER – ATTENTION SPOILER –

Même sans vouloir se lancer dans des nouvelles noires, avec cette galerie de personnages secoués par cette pandémie, s’en tirer avec un seul mort – et encore s’agit-il d’une vieille dame dans un EHPAD – tient en quelque sorte du miracle. La femme battue parvient à sortir du cercle vicieux ; le malade condamné survit ; l’amant abandonné surmonte la blessure narcissique, même le travail est finalement récompensé !

– FIN DU SPOILER – FIN DU SPOILER – FIN DU SPOILER – FIN DU SPOILER – FIN DU SPOILER –

En réalité, dans les quelques nouvelles pessimistes – et c’est peut-être ce que l’auteur a eu envie de souligner ! -, ce n’est pas la nature, ce n’est pas la maladie qui brutalise et qui blesse. Ce sont les autres, ceux qui nous entourent, qui exigent que nous soyons conformes à leurs attentes, qui refusent d’ouvrir leurs portes, qui font preuve de jalousie.

Et, en même temps, c’est aussi de ces autres que le miracle peut venir, parce que l’on peut avec eux exorciser d’un rire la tristesse et la douleur, parce que le temps perdu n’est parfois pas totalement perdu, parce que l’amitié peut toujours l’emporter.

Alors peut-être que le bruit du rêve contre la vitre, c’est celui de celles et ceux lorsqu’ils ouvrent leur porte, leur cœur, leurs bras, pour accueillir, écouter, consoler…

1 réflexion au sujet de “Le bruit du rêve contre la vitre”

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