Chronique de Vague de froid, de Jean Cremers.
« Odin et ses deux frères Vili et Vé tuèrent le colossal géant de glace nommé Ymir. Puis, à partir de son gigantesque corps, ils façonnèrent les mondes, dont Midgard, le nôtre.
Le problème, c’est que personne n’en profitait. Alors Odin et ses frères ramassèrent deux troncs d’arbres morts échoués sur une plage.
L’un était en bois de frêne, et l’autre en bois d’orme.
Ensemble, ils les redressèrent… Puis Odin leur insuffla la vie… »
Jean Cremers, Vague de froid, Éditions du Lombard, 2023, p. 55-56.
Motivations initiales
En quelques semaines, les Éditions du Lombard nous ont gâtés. Après le dernier Thorgal, voilà que nous avons également reçu ce beau roman graphique – presque 250 pages, une belle bête ! -. Nous n’en avions pas entendu parler, nous ne savions donc pas à quoi nous attendre : le prototype de la découverte. Alors en route pour surfer sur cette « vague »…
Synopsis
Martin et Jules, deux frères, partent pour un road-trip en Norvège. L’ainé, Martin, est à l’origine de ce voyage. Depuis qu’il a découvert la mythologie nordique, il a adopté ces dieux et ces déesses si humains, et il a envie de se rapprocher de leur « terrain de jeux ». D’autant que rien ne semble le retenir vraiment en Belgique : ni son travail – il est engagé dans un projet de livre, mais pour lequel il est bloqué -, ni sa vie – il est séparé d’Amandine, celle dont il partageait la vie, et qui est la mère de sa fille, Camille.
Pour Jules, c’est l’occasion à la fois de préparer son prochain examen – pour ses études, il doit réaliser un carnet de croquis -, mais aussi d’essayer de recréer le lien avec ce grand frère qui, depuis un moment, semble s’éloigner petit à petit.
Avis
C’est une très émouvante histoire que Jean Cremers nous propose ici. Cette escapade de deux frères, dont l’un ne sait plus à quoi se raccrocher dans la vie, alors que l’autre semble ne rien prendre réellement au sérieux, pourrait n’être qu’une historiette. Mais, ici, c’est de bien plus que cela qu’il est question.
Il est question de l’incommunicabilité des sentiments ; il est question de comment on reconstruit quand on a tout perdu ; il est question de la violence de l’absence. Jules, même s’il parait insouciant, est néanmoins très à l’écoute. Et il tente de retisser le fil entre Martin et lui. Parfois un peu maladroitement, mais avec une bonne volonté et une capacité de résilience confondantes.
Martin, lui, semble être enfermé en lui-même. Et incapable de faire autrement que de poursuivre sa marche en avant, même si elle le mène droit dans le vide. Et, dans ce néant, pourtant, il est prêt à accepter l’incroyable. Ce berger, croisé par hasard, Grimnir, peut-il réellement s’agir de Odin ?
La morale de cette histoire, me semble-t-il, c’est que, parfois, il faut se confronter aux éléments, au froid, à la neige, à la tempête, pour se retrouver. Et que c’est dans les événements partagés que se trouve le ferment de la sincérité. Il faut parfois accepter de ne pas tout maîtriser. Et, surtout, il ne sert à rien d’attendre des autres qu’ils réagissent comme nous le ferions. Chacun réagit avec ses valeurs, avec ses blessures, avec ses limites.
Alors, êtes-vous prêts, vous aussi, à vous embarquer pour ce voyage, avec Jules et Martin ? N’oubliez pas, si c’est le cas, à vous habiller chaudement. Gravir le Preikestolen – une falaise qui culmine à 604 m au-dessus du Lysefjord, quand les conditions sont mauvaises, cela mérite un petit peu d’équipement !
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.
