Chronique de Dynamique du chaos, de Ghislain Gilberti.
« Ce côté narcissique et égocentrique est typique de cette génération vide et creuse qu’est la mienne, la Génération Nada. Une belle tripotée de branleurs qui traînent et entretiennent la plus profonde médiocrité intellectuelle que le monde ait jamais connu depuis le Moyen Âge. Nombrilisme acharné, fanatique. Partisans du Moi suprême et souverain absolu. Complaisance dans l’ignorance et la facilité… Voici le tableau navrant de la nouvelle engeance qui vient prendre la relève. »
Ghislain Gilberti, Dynamique du chaos, La Mécanique Générale Éditions, 2017, p. 122-123.
Motivations initiales
Après avoir lu, et plutôt apprécié, La trilogie des ombres, du même auteur, et parce que, du côté de La Griffe noire, il est chaudement recommandé, la lecture de cet autre récit est presque de l’ordre de l’évidence. Mais que nous réserve ce texte qui nous est indiqué comme « inspiré de faits réels », et en « édition hardcore », intégrale, augmentée, non censurée ?
Synopsis
Gys, depuis qu’il a quitté Séverine, traîne son mal-être de bar en bar, de club en club, d’une dose de came à un comprimé, d’une ivresse à la suivante, d’une fille à l’autre. Séverine, c’est la femme de sa vie, mais quand ils sont ensemble, ils se tirent vers le bas, s’entraînent vers les abysses ; et quand ils sont séparés, ils ne vivent plus, c’est à peine s’ils survivent. Dans tous les cas, ils s’auto-détruisent, parce qu’ils ne savent pas comment gérer autrement les traumatismes subis précédemment, chacun de son côté.
Dans un parcours halluciné, il tente de trouver une échappatoire, dans l’abandon, dans l’abjection, dans l’oubli chimique, dans l’alcool. Mais la vie n’est pas un roman à l’eau de rose, il n’est pas certain qu’un happy end soit au bout du chemin…
Avis
Peut-on seulement avoir un « avis » sur ce livre ? Ce n’est pas à une expérience intellectuelle que l’auteur nous invite ici, sur laquelle on pourrait élaborer. Non, ici, c’est du ressenti, de la chair, du gluant – dont, par moment, on ne sait plus si c’est du sang, du sperme, ou quelque autre sécrétion -, à l’état brut. La lumière, dans ce texte, est glauque et parfois, dans un flash, elle vous brûle la rétine. La musique est toujours un peu trop forte, comme si vous étiez dans une rave-party, un peu trop près des enceintes, et par moment, vous ressentez le rythme des basses qui vous fait tambouriner le cœur.
Si l’on s’arrête au fond de l’histoire… eh bien on fait vite le tour. Gys picole, se défonce et baise des filles. Pas toutes, il est exigeant, mais quand même pas mal. Et il les baise salement. Parce qu’il ne se respecte plus, il ne les respecte pas. De toute façon, elles ne pourront jamais être Séverine. Et elles ne sont pas destinées à être autre chose qu’un moment, un passage, un exutoire. Malheur à celui qui croise son regard au mauvais moment, il risque d’y laisser quelques dents, à moins de taper le premier, et fort.
Gys, c’est une vibration. Une vibration dont la longueur d’onde est celle de la rage. Jamais calmée. C’est une flamme, dont on sent qu’à tout instant elle peut soit enflammer tout ce qui l’entoure, soit être soufflée par une rafale. Et c’est entre ces deux extrêmes que l’on est chahutés pendant tout ce récit.
Ce n’est pas une histoire agréable, évidemment. On n’adhère pas au personnage, mais, en même temps – et c’est toute l’ambiguïté -, on n’a pas non plus envie de le lâcher, tellement on sent qu’il est en permanence a bord du gouffre. Et, toujours en même temps, on sait que, dans la vraie, ce serait très difficile de le supporter. On voudrait l’attraper par le bras, le secouer, et lui dire que ce n’est pas possible. L’une des descriptions qu’il fait de la relation qu’il entretient avec Séverine ressemble assez furieusement à ce que l’on pourrait lire dans le récit d’une femme battue. Séverine, après chaque crise, revient vers lui en lui promettant de ne pas recommencer, qu’elle l’aime et que c’est pour cela qu’elle a dérapé, mais qu’elle ne le fera plus, c’est promis. Et pourtant, ça recommence. Tenez, voici un extrait (p. 280) :
Après avoir essayé de me planter au couteau de cuisine à cause d’un numéro de téléphone trouvé dans mon pantalon, revenant une heure plus tard en sanglotant, toute bête d’avoir remarqué après coup que c’était celui d’une boîte d’intérim, me soufflant timidement entre deux fleuves de larmes :
« C’est mon amour qui est trop fort… Je me contrôle pas parce que je t’aime trop. Je te demande pardon, Gys… Je te demande pardon. »
Les promesses suivaient toujours de près. Elles venaient ajouter de la valeur et du crédit à la culpabilité, valider la sincérité des remords :
« Je te promets que je vais changer. Je vais faire des efforts… cette fois-ci je te le jure, Gys. Je sais que j’ai été trop loin. »
Est-ce que j’ai aimé ce livre ? Je ne sais pas. Est-ce qu’il m’a marqué ? Oui. Est-ce que je recommande de le lire ? Je ne sais pas. En tout cas pas à tout le monde. Pourtant, il raconte des aspects de la vraie vie, la façon dont des parents peuvent foutre en l’air leurs enfants, la façon dont parfois deux personnes ne peuvent pas vivre sans l’autre, mais ne peuvent pas vivre avec non plus.
En tant normal, j’aurais envie de vous demander si vous êtes prêts à accompagner Gys dans les boyaux qui conduisent à l’oubli. Mais personne ne peut faire cela. En lisant ce livre, vous êtes plutôt dans la position de l’ami qui regarde l’autre se détruire en sachant que vous n’y pouvez rien. Vous ne pouvez pas l’aider à remonter la pente. Seul lui peut décider. Vous êtes impuissant, vous n’avez que votre présence à proposer… Une situation bien inconfortable…
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de La Griffe noire.

Il est dans ma PAL mais je n’ose pas l’en sortir, parce que je me doute à quel point il est dur… mais Ghislain est un sacré personnage !
Il est là, il attend pour le jour où je serai prête !
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Quel personnage !
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