Drame, Historiques

Churchill m’a menti

« Churchill le fusille du regard. Les Allemands livrent la bataille d’Angleterre, progressent partout, bombardent Londres. Sa mission est d’abord de protéger son pays. Sa mission est de gagner la guerre ! De faire bouffer ses c… à Hitler !

Le père de Victoire sort du bureau du Premier Ministre atterré : les îliens sont sacrifiés. »

Caroline Grimm, Churchill m’a menti, Le Livre de Poche, 2016, p. 48.

Motivations initiales

Un résumé intriguant et alléchant, une couverture qui me rappelle la mer – oui, au moment de l’achat, j’avais envie de vacances ! -… Bref, un achat « coup de tête » !

Synopsis

En menant, en 2013, des recherches pour écrire son prochain livre, la narratrice, Nathalie Goldman, redécouvre non seulement l’histoire de sa famille, mais aussi, plus largement, celle de l’île de Jersey, entre 1940 et 1945, alors que l’Europe vit à l’heure allemande. La France a capitulé, l’Angleterre est bombardée, un nouveau front s’ouvre à l’est, une résistance acharnée s’organise dans les pays occupés, la cruauté et la barbarie contre les Juifs prennent une forme quasi-industrielle… et puis il y a les oubliés de l’histoire…

En effet, qui se souvient, aujourd’hui, du sort réservé alors aux îles anglo-normandes, et à Jersey notamment ? Car parmi les laissés pour compte, en août 1940, il faut compter les îles anglo-normandes, littéralement abandonnées par Churchill et envahies par les Nazis. Comment les habitants ont-ils réagi à cette occupation ? Quelle attitude ont-ils adopté face à l’envahisseur, entre collaboration et résistance ?

Ce livre est l’occasion de (re)découvrir un épisode et des lieux peu connus de la déportation. Il apporte également un éclairage nouveau sur le personnage de Churchill, que l’on voit ici, pour concentrer ses efforts sur l’Angleterre, abandonner à leur sort peu enviable les îliens, offrant du même coup une position stratégique aux allemands.

Avis

> L’avis de C

J’entends d’ici les premières réactions de quelques détracteurs : « un énième livre sur la deuxième Guerre Mondiale ». Alors, certes, voilà un livre de plus sur un sujet douloureux, mais ce livre a le mérite et l’originalité de nous parler d’un sujet que l’on ignore quasiment tous et qui a disparu de tous nos manuels d’histoire : le sort réservé aux îles anglo-normandes pendant le conflit.

Ce livre est un doux et savoureux mélange d’histoire et de fiction. Histoire, car l’auteure maîtrise parfaitement les faits, la chronologie et on sent au fil de notre lecture qu’elle s’est parfaitement documentée sur le sujet, ce qui est, disons-le clairement, extrêmement agréable : le lecteur s’instruit en même temps qu’il se divertit. Un brin de fiction malgré tout est nécessaire pour rendre le lecteur accro à l’histoire… car oui, Caroline Grimm a tellement bien travaillé ses personnages, qu’ils nous touchent tous, du plus cruel – qui, à ma grande surprise, n’est pas un Nazi mais le Bailli de Jersey – au plus touchant, sans nul doute la jeune Victoire meurtrie jusque dans sa chair, donnant naissance à un enfant qu’elle déteste plus que tout..

Il est difficile de rester insensible face à la simplicité de la plume de l’auteure, qui évite le piège des violons larmoyants et du pathos facile… L’écriture est simple mais terriblement efficace : j’ai pleuré, j’ai pleuré face aux atrocités commises, j’ai pleuré face aux destins brisés d’hommes et de femmes, jersiais et jersiaises, qui ne demandaient qu’à VIVRE en paix, sous protection anglaise…

Une lecture courte, simple mais instructive, que j’ai adorée, je vous recommande chaudement ce roman plein de pudeur et de dignité.

> L’avis de T

Bon. Comment faire simple ? On est précisément dans le style de livre que j’adorerais adorer, mais qui me laissent sur le bord du chemin. L’histoire, naturellement, n’y est absolument pour rien : cet épisode de la Deuxième Guerre mondiale, je l’ignorais absolument, et je trouve cela très intéressant de le découvrir.

Mais là où je n’adhère plus, c’est sur le traitement. A priori, l’idée du récit parallèle entre la période 1941-1945 et l’époque actuelle me convient parfaitement. Mais je reste sur ma faim.

Pour la période de guerre, les personnages me paraissent assez stéréotypés. Les gentils sont vraiment gentils, les méchants sont très méchants. La plus caricaturale, pour moi, c’est la méchante Emma Landry : non seulement elle trompe son (vieux) mari avec les allemands occupants, mais, en plus, elle cache un polonais (ou russe) dans sa cave, pratiquement en le séquestrant, et se persuade qu’elle résiste, ce faisant, à l’occupant… D’ailleurs, aux 2/3 du livre, comme si elle voulait l’évacuer parce qu’elle ne sait plus quoi en faire, l’auteure nous signale en deux lignes qu’elle a été capturée par les allemands et déportée. Hop, à la trappe, sans tambours ni trompettes. Quant à la période actuelle, on suit, de ci, de là, une descendante, venue sur l’île creuser le sujet de son prochain livre. Mais les scènes auxquelles elle participe sont d’une grande platitude : visite d’un musée installé dans un hôpital souterrain, déplacements en taxi, tensions avec son mari au téléphone… Autant j’apprécie d’ordinaire les aller-retour entre périodes historiques, autant, ici, je n’y trouve aucun intérêt. Ce qui devrait permettre une mise en abyme n’apporte absolument rien dans ce cas. La seule scène où ce personnage pourrait se justifier, c’est la dernière, parce qu’elle permet l’intervention de Marguerite Le Gallais, descendante de Victoire, dont l’histoire en elle-même mériterait un livre : abandonnée par sa mère qui ne supporte pas ce bébé qui lui rappelle son viol, et qui ne connait évidemment pas son père, comment s’est-elle construite ? Comment a-t-elle pu se construire, pour devenir ce personnage plein de sagesse que nous regrettons de n’accompagner que l’espace de quelques pages ?

Il y aurait, en effet, un livre complet à écrire, me semble-t-il, sur trois lignes qui lui sont attribuées :

« Ne croyez pas… On ne guérit jamais de ses blessures d’enfance… L’important c’est ce qu’on en fait ! »

L’idée de départ du livre, le contexte historique, est extrêmement intéressant, et aurait dû permettre de faire quelque chose de très solide, de vraiment poignant. Quelques scènes sont remarquables. Mais, pour moi, l’auteure ne fait qu’effleurer le sujet. Bref, une déception, parce que l’ambition de départ me rend exigeant !

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