« Ce que j’ai vécu, je le revis chaque jour malgré moi : on ne sort pas indemne de la guerre ! »
Alexandre Najjar, L’école de la guerre, Éditions de la Table Ronde, 2017, p.132.
Motivations initiales
Lorsque nous avons choisi, dans le catalogue des Éditions de la Table Ronde, les livres que nous souhaitions recevoir, celui-ci nous a attiré l’œil, et le résumé en quatrième de couverture était tentant…
Synopsis
L’école de la guerre est une histoire croisée, entre les souvenirs d’Alexandre Najjar plongé dans la guerre du Liban, qui se déroule de ses 8 à ses 23 ans – 15 ans d’une vie entre parenthèses, avec des « parenthèses enchantées » et des à-côtés sombres -, et les ressentis du même Alexandre Najjar lorsqu’il revient au Liban après avoir fui, 7 années durant, son pays qui ré-apprenait la paix.
Quand la flamme d’une bougie, le générique d’un flash à la radio, un détecteur de métaux qui sonne, un enfant qui porte un cartable vous renvoient à des souvenirs de guerre, de violence, de mort et de sang ; quand ce que vous avez vécu vous amène à regarder autrement un verre d’eau ou une vieille photo de classe.
Ce livre nous propose de découvrir les petites « madeleines » d’un Proust qui a traversé l’horreur, des madeleines qui donnent tout leur sel aux moments de paix que nous ne savons pas toujours apprécier…
Avis
> L’avis de C
Tous les ingrédients sont réunis pour que le lecteur referme ce livre en ayant pris une leçon de vie et de mémoire : un titre percutant, la guerre vu par les yeux d’un enfant, des chapitres courts mais extrêmement efficaces qui touchent au cœur…
Chaque chapitre nous entraine dans des souvenirs douloureux de l’enfance du narrateur, passée dans un pays en guerre. Mais à aucun moment on ne tombe dans le pathos : au contraire, l’écriture est extrêmement pudique et digne. On se surprend même à sourire – alors même que le sujet ne parait pas s’y prêter ! -, par exemple quand le narrateur nous relate une discussion avec son oncle concernant la grosse Bertha qu’il croyait être une parente un peu enveloppée… et dont il confesse finalement qu’il préfèrerait qu’elle ne soit, en effet, qu’une tante en surpoids.
Les critiques écrites sur ce livre, adaptant ce que l’auteur écrit lui-même, signalent que l’on n’en sort pas indemne… C’est vrai… Parce que l’on comprend à contre-cœur l’affreuse vérité qui se cache derrière le titre de cet ouvrage, oui, la guerre est bien une école… une terrible école. Et même si Alexandre Najjar insiste sur l’idée que, de cette école, il a appris à apprécier les petits bonheurs quotidiens quand ils se présentent, on peut s’interroger sur le prix de cet apprentissage…
Pourtant, à l’heure où j’écris cette chronique, je ne sais pas quoi en penser réellement… Évidemment, la question n’est pas de savoir si j’ai aimé ce livre. La question ne se pose pas en ces termes. Mais j’ai l’impression de ne pas savoir, d’une certaine façon, si ma lecture en a été suffisamment respectueuse…
> L’avis de T
Dans les récits de guerre, dans les paroles de tous ceux qui, pour une raison ou une autre sont des survivants, dans ce que disent, également, ceux qui ont subi un attentat, revient souvent l’idée qu’ils ne peuvent pas partager ce qu’ils ont vécu avec ceux qui, eux, n’en ont pas fait l’expérience.
Dans ce livre, Alexandre Najjar propose une alternative à cette incommunicabilité. Il part de faits réels, simples, quotidiens, pour nous tous : ceux de ce voyage de retour au Liban. Mais, de ci, de là, un éclair, une lumière, un son, un bruit, une musique, de tout petits événements qui, pour nous, seraient sans conséquence, le ramènent à cette guerre, à ces cadavres, à ces bombardements, à ces explosions, à ces bouffées d’angoisse.
Oh, ne nous y trompons pas, l’expérience de la guerre – cette « école » qui laisse des traces imprimées si profondément dans la mémoire que, des années plus tard, Alexandre Najjar se fige encore en entendant le tich tik tich tik du générique des flashs d’informations qui rythmaient la vie du Liban d’un sinistre décompte -, nous n’y avons pas accès. À peine avons nous accès au symptôme, à peine pouvons nous percevoir la marque gravée dans les chairs, dans les cœurs et dans les esprits.
Ce livre, c’est un petit peu la « première gorgée de bière » de la guerre, des guerres, de toutes les guerres. Alexandre Najjar le dit d’emblée :
« Toutes les guerres se ressemblent. Ce que j’ai vécu au Liban, d’autres l’ont vécu en France, en Espagne, en Yougoslavie ou ailleurs. Toutes les guerres se ressemblent, oui, parce que les armes changent, mais point les hommes qui font la guerre ou la subissent. »
Ce livre est un peu le témoignage de l’intrusion de la guerre au fin fond de l’intime, et, à ce titre, il confine au témoignage universel de toutes les souffrances du monde…
1 réflexion au sujet de “L’école de la guerre”