Drame, Roman

Le syndrome de Beyrouth

Chronique de Le syndrome de Beyrouth, d’Alexandre Najjar.

« Pour mon père Sélim, être grec-orthodoxe était un titre de noblesse, dont il était fier. À ses yeux, cette communauté, qui avait subi toutes sortes de persécutions, notamment en Grèce, était composée de « battants » – d’où sa volonté de nous voir combatifs dans la vie et animés par la foi. »

Alexandre Najjar, Le syndrome de Beyrouth, Éditions Plon, 2021, p. 28.

Motivations initiales

Nouveau livre de la rentrée littéraire des Éditions Plon, et retour à l’écriture d’Alexandre Najjar, que nous avions découverte avec L’école de la guerre. Que va-t-il en être de ce syndrome de Beyrouth ?

Synopsis

Amira Mitri est libanaise. Elle a été combattante, très jeune, et ses parents l’ont envoyé étudier en France, où elle est devenue journaliste. Mais lorsque, en 2000, le fondateur d’An-Nahar lui propose de revenir au Liban et de participer à l’aventure de ce journal, elle accepte très vite.

C’est son regard que nous partageons ici, de 2000 à 2020, de la guerre à l’explosion du port de Beyrouth. Le récit d’une femme, d’une ville, d’un pays…

Avis

Quel drôle de livre !

Le principe même, l’organisation de ce récit est curieuse. Créer une journaliste imaginaire, dont on a reprendre le récit, comme s’il s’agissait d’un témoignage, drôle d’idée. D’autant plus surprenante que, du coup, cela construit un récit dont seuls les contributeurs peuvent savoir ce qui est de l’ordre de la fiction et ce qui est de l’ordre du récit. Et, autant le dire tout de suite, tout autre lecteur risque de se sentir exclu.

Pourtant, on part effectivement sur le rythme d’un roman d’aventure. Amira, jeune, se heurte au pouvoir des parents, tel qu’il s’exprime dans cette civilisation. Elle pose ses choix, mais doit très rapidement en accepter le prix. Son passage éclair en temps que combattante se traduit très vite par son envoi en France, chez une tante, qui l’hébergera le temps qu’elle finisse ses études.

Elle veut être grand reporter, mais les places sont chères. Elle finit par se résoudre.

Et puis vient l’offre d’An-Nahar. Qui remet tout en question, la France, la résignation, l’acceptation de ce que d’autres ont voulu lui imposer.

Désormais, quel que soit le prix à payer – et il sera élevé… -, Amira suivra ses propres choix.

Cela pourrait être passionnant. Pourtant, il y a un « mais ». À aucun moment je n’ai eu l’impression que ce livre m’attendait. Déjà, si vous n’êtes pas Beyrouthin(e), les lieux évoqués ne vous diront rien. Pire, pour bien vous faire sentir que « vous n’en êtes pas », on vous livre des énumérations sans fin… et sans grand intérêt !

« … les deux églises Mar Mtanios (Saint-Antoine), celle des catholiques et celle des maronites, l’église Saint-Joseph (Santa) près du théâtre Maroun Naccache, l’église du Sacré-Coeur, tenue par les Frères, et, un peu plus loin, la cathédrale Saint-Maron, flanquée de ses deux beffrois, et la cathédrale Saint-Georges, patron de Beyrouth… »

(page 23)

À un autre endroit, on nous fait une liste des hommes politiques du lieu et de l’époque ; puis une liste de victimes. Soit. Mais on se perd en réalité dans ce dispositif complexe qui voit Alexandre Najjar tenter de s’exprimer au travers de la voix d’Amira Mitri. J’aurais préféré un livre plus clair, qui pose la frontière entre le réel et l’inventé – d’ailleurs, dans l’histoire d’une ville comme Beyrouth, est-il vraiment besoin d’inventer ?

Le lecteur, au fil des pages, a le sentiment non pas d’être promené, mais baladé. Non pas accueilli, mais écarté. Je n’ai pas ressenti le syndrome de Beyrouth, mais le syndrome du Syndrome de Beyrouth…

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