« Malgré la fatigue du voyage, quand nous étions arrivés à Douglas, nous avions continué sur Agua Prieta sans même prendre le temps de manger. Et nous avions avalé une demi-douzaine de margharitas chacun, sauf Sylvia qui en avait tout de même bu trois avant le dîner. Il était alors près de minuit et nous étions tous super-excités. Tim avait avalé quelques pilules et nous avions laissé un mexicain nous guider vers le bordel sans dire à Sylvia où nous allions. »
Jim Harrison, Un bon jour pour mourir, Éditions Robert Laffont, 1985, p. 78.
Motivations initiales
À l’occasion de la mort de Jim Harrison, les médias ont évoqué la carrière de ce grand auteur américain, occasion de se rappeler que je n’avais jamais rien lu de lui. Quelques mois plus tard, à l’occasion d’un passage par une chaîne de librairie, et disposant d’un petit peu de temps, j’ai demandé à une libraire de m’en conseiller un. Et elle m’a suggéré celui-ci. Qui avait donc rejoint ma PAL… pour en ressortir la semaine dernière !
Synopsis
Le narrateur, dont on ne sait jamais le nom, passe l’essentiel de ses journées à la pêche. Et quand il ne pêche pas, il traîne dans les bars, et, parfois, lève une fille. Mais cela ne l’emmène jamais très loin.
Un soir, dans son bar habituel, après quelques bières et quelques parties de billard, il croise le regard de Tim. Celui-ci dépense sa solde d’engagé volontaire, agrémentée par les gains enregistrés au poker lors de son passage par l’hôpital – une grosse cicatrice déforme le côté droit de son visage -. Une partie de billard se solde par une bagarre avec deux marins, puis ils se mettent à boire en discutant de tout et, surtout, de rien. Au détour de la conversation, le narrateur évoque un projet de barrage sur le Grand Canyon.
Mais ce qui n’était qu’une divagation sans but ni raison cristallise soudain leurs frustrations respectives. Et ils décident d’aller faire sauter le barrage en question. S’ouvre alors une errance pour ces deux personnages, bientôt rejoints par Sylvia, amoureuse de Tim mais que ce dernier n’aime plus, et qui va devenir le fantasme du narrateur. Alcool, drogue, médicaments en tous genre, prostituées ponctuent ce voyage halluciné dans l’Amérique des années soixante…
Avis
> L’avis de T
Qu’on se le dise : je n’ai rien contre l’alcool, les drogues et le sexe. Mais il faut faire partie du trip, sinon, on se sent vraiment un peu seul. Et c’est vraiment l’impression que j’ai eue, celle d’être sur le bord du chemin, à regarder passer la caravane, mais sans ressentir quoi que ce soit pour aucun des personnages.
Le narrateur, dont on ne sait finalement pratiquement rien, si ce n’est qu’il s’est fait larguer par sa femme et qu’il ne voit plus sa fille, m’a paru juste être un type sans grand intérêt, pour lequel je n’ai aucune empathie. Il a visiblement saboté sa vie de famille, et, sans en tirer aucune leçon, il semble continuer sur son aire, comme un paquebot fou que rien ne dirige plus. Il ne sait pas où il va, mais le vide de son existence ne semble lui poser aucune question.
Tim est caractériel, violent, et parait essentiellement auto-centré. Il a de l’argent, alors il cherche à le dépenser, comme s’il lui brûlait les doigts. De lui non plus, on ne sait pratiquement rien. Il passe ses journées sous médicaments, tout en refusant de laisser le volant, quitte à ce que cela se termine en accident.
Sylvia, enfin, est amoureuse de Tim. Dont elle sait qu’elle ne peut rien attendre, mais quand même. Elle n’a jamais voyagé, jamais quitté Valdosta. Elle se donne au narrateur, mais sans sembler y prêter réellement attention. En réalité, elle ne semble avoir aucune volonté propre, elle attend. On ne sait trop quoi.
Ce que je trouve le plus troublant avec ces trois personnages, c’est qu’ils ne sont pas désagréables, pas réellement méchants, mais pas attachants non plus. Ils ne savent pas faire grand-chose d’autre que de réagir en frappant – pour Tim – ou en fuyant – pour le narrateur -, mais sans apprendre, sans comprendre, sans élaboration. En réalité, ils me laissent indifférent.
Ce n’est pas désagréable, comme lecture. Mais ça ne me laissera pas la moindre trace. Bref, pour moi, un coup dans l’eau…